Le Cercle du Phénix
durant toute la scène, avait tiré
profit de la confusion générale pour se volatiliser.
— Quelle
importance ? Occupons-nous plutôt de toi.
Cassandra s’agenouilla près de sa sœur
et entreprit de panser sa blessure. Elle avait presque terminé
lorsqu’elle s’immobilisa brusquement. Qu’était-elle donc en train de
faire ? Elle s’était jurée de mettre fin aux crimes d’Angelia en achevant
la tâche commencée quinze ans auparavant, quand elle avait essayé de la noyer.
L’occasion ne pouvait être plus favorable, sa sœur était totalement à sa merci
dans ce sanctuaire coupé du monde… Sa respiration s’accéléra, et le soupçon qui
l’avait traversée tout à l’heure revint à l’assaut, encore plus fort. Se
pouvait-il qu’Andrew ne soit pas mort des suites de sa maladie, mais assassiné
par Angelia ? Cette hypothèse était si monstrueuse qu’il lui était
douloureux de l’envisager. Et pourtant, sa sœur était parfaitement capable d’un
tel crime. Ce qui signifiait… qu’Andrew était mort à cause d’elle, Cassandra,
sa femme. Pensée intolérable. Non, c’était impossible. Elle ne supporterait pas
de vivre avec la disparition d’Andrew sur la conscience. Il fallait qu’elle
sache, elle ne pouvait rester dans l’incertitude…
Elle se releva et recula d’un pas. Angelia leva les yeux
vers elle d’un air interrogateur. La question brûlait les lèvres de Cassandra,
mais elle n’eut pas le courage de la poser. À la place, elle lâcha
durement :
— Je
devrais te tuer ici.
Angelia ne baissa pas le regard.
— Fais
donc, je t’en prie, mais ne manque pas ton coup cette fois.
— N’as-tu
donc pas peur de mourir ?
— Tout
dépend de tes projets d’avenir. Je préfère mourir plutôt qu’être à nouveau
séparée de toi.
Un trou noir s’ouvrit devant
Cassandra. Epouvantée, elle ferma les yeux. Elle venait de comprendre que
jamais elle ne pourrait exécuter sa sœur, même s’il s’avérait que celle-ci
était responsable de la mort d’Andrew. C’était tout simplement au-dessus de ses
forces. Dans un moment de folie, poussée à bout, elle avait autrefois trouvé le
courage de commettre l’irréparable, mais les circonstances étaient différentes
aujourd’hui, et elle savait que la lâcheté et l’amour s’uniraient pour
l’emporter. Une vague d’angoisse et de désespoir l’engloutit. Qu’allait-elle
faire à présent ?
Angelia la dévisageait sans mot dire, balançant entre
curiosité et inquiétude.
— Je
ne pourrais pas te tuer, même si je le voulais, murmura enfin Cassandra. Tu le
sais.
Sa sœur sourit et hocha la tête.
— Mais
je refuse également que nous nous revoyions, ajouta Cassandra d’un ton plus
ferme. Nos chemins vont se séparer ici.
Le sourire d’Angelia disparut et elle
se remit péniblement debout.
— Ne
dis pas de sottises, enjoignit la jeune femme d’une voix mal assurée.
— Je
ne veux plus te revoir, insista Cassandra avec une cruauté qui lui déchira le
cœur. (Dieu que ces paroles étaient pénibles à prononcer !) Tu devras te
faire oublier, Angelia. Ne me fais pas regretter ma clémence.
La bouche d’Angelia se tordit en un
rictus railleur.
— Ta
clémence ? rugit-elle. Ne parle pas de clémence alors que tu me condamnes
sciemment à une vie de torture !
Elle bondit vers sa sœur et lui
emprisonna le poignet de sa main valide. À la place de ses yeux s’ouvraient
deux abîmes de démence.
— Nous
sommes destinées à demeurer toujours ensemble, tu ne peux lutter contre
l’évidence !
— Je
suis désolée, souffla Cassandra en se dégageant avec douceur de son étreinte.
Je suis vraiment désolée… mais tu te trompes…
Elle recula vers la porte, puis fit
volte-face. Abasourdie, Angelia ne put que pousser un cri terrible qui résonna
longuement entre les murs du sanctuaire :
— Cassandra !
Cassandra ! Ne pars pas !
Cassandra mourait d’envie de se
retourner et de serrer sa sœur dans ses bras, mais elle se contint. Certaines
choses ne pouvaient être oubliées, et encore moins pardonnées.
Vaincue, Angelia s’effondra sur ses genoux, le corps
secoué de sanglots hystériques. Elle était pitoyable, mais cela n’avait plus
aucune espèce d’importance à présent. La seule personne qui ait jamais compté
dans sa vie la repoussait, et elle avait le sentiment d’être enterrée vivante.
— Ne me laisse pas, ne me laisse pas…,
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