Le Cercle du Phénix
m’a
seulement recommandé de me montrer prudent, ce qui ne m’a guère rassuré, vous
vous en doutez. Après sa mort, j’ai ouvert l’enveloppe ; elle contenait
une copie du dossier qu’il avait constitué contre le Cercle du Phénix. Je
suppose que Gabriel a emporté l’original après l’assassinat, car on ne l’a
jamais retrouvé par la suite. Ce dossier était très solide, les preuves que mon
père avait rassemblées probantes, mais la police, gangrenée par la peur et la
corruption, refusait de bouger. J’ai donc décidé d’agir seul, en reprenant
l’enquête là où mon père l’avait laissée. J’ai pris le nom de jeune fille de ma
mère, Shaw, pour éviter de me faire repérer par le Cercle, et suis revenu
m’installer dans la capitale, où j’ai été embauché par le London City News. Grâce à mes relations dans la police et le milieu de la
presse, je suis parvenu à recueillir des renseignements supplémentaires sur
l’organisation. C’est ainsi que j’ai appris que le Cercle recherchait un objet
appelé le « Soleil d’or », réputé avoir un lien avec l’alchimie. Je
me suis alors rendu chez Dolem pour obtenir de plus amples informations sur le
sujet, puis je vous ai rencontrée. Vous connaissez la suite de l’histoire…
Jeremy se tut, hors d’haleine. Il
avait parlé très vite, comme s’il souhaitait se débarrasser le plus rapidement
possible d’une pénible corvée.
Cassandra éprouva un bref élan de compassion à son
égard ; le jeune homme avait traversé des moments difficiles au cours des
dernières années. Puis un léger sourire s’ébaucha sur ses lèvres.
— Vous
avez dû être très surpris lorsque Gabriel s’est présenté à la porte du manoir…
Le visage du journaliste s’anima.
— Juste
ciel, oui, quel choc ça a été ! Je ne pouvais en croire mes yeux, c’était
comme si la providence me l’avait servi sur un plateau d’argent.
Cassandra fronça les sourcils.
— Pourquoi
nous avoir dissimulé la vérité ? Aviez-vous donc si peu confiance en
nous ?
— Pour
être honnête, oui. Au début, je n’étais pas certain de votre franchise et de
votre loyauté. Il faut dire pour ma défense que j’ignorais tout de vous, et que
je savais par expérience que les espions du Cercle du Phénix étaient partout.
Si j’avais découvert alors que le chef du Cercle était votre sœur, je me serais
enfui en courant ! Mais peu à peu, j’ai appris à vous connaître. J’ai
préféré toutefois continuer à taire mes intentions, car j’étais convaincu que
vous vous opposeriez à ma volonté d’éliminer Gabriel, ne fût-ce que par amitié
pour Lord Ashcroft.
Cassandra hocha la tête.
— Et
vous aviez raison.
Elle demeura silencieuse quelques
instants, pensive.
— Vous
auriez pu tuer Gabriel n’importe quand, observa-t-elle enfin, mais vous n’avez
même pas essayé. Pourtant, sa présence au manoir devait constituer une
véritable torture…
Les mâchoires de Jeremy se crispèrent
douloureusement.
— C’était
un supplice de Tantale, en effet. Je devenais fou à le voir évoluer en liberté
et vivre comme un coq en pâte aux côtés de Lord Ashcroft. Le souvenir de ses
malheureuses victimes m’obsédait. Cette situation me paraissait tellement
injuste… J’enrageais, et cependant je n’ai rien tenté contre lui : tout
comme vous, je pensais qu’il pouvait nous aider à détruire le Cercle du Phénix.
Après tout, je visais également l’anéantissement de l’organisation, et je
n’imaginais pas alors que Gabriel me filerait entre les doigts. Et puis…
Il s’interrompit soudain, comme si un
secret honteux avait été sur le point de lui échapper.
— Et
puis… ? l’encouragea Cassandra.
Après un moment d’hésitation, Jeremy
lâcha à contrecœur :
— Il
s’est révélé très différent de ce que j’imaginais. Je n’éprouve aucune
sympathie à l’égard de Gabriel, mais je dois reconnaître qu’il ne correspond en
rien à l’image que je m’étais forgée de lui…
Cet aveu répugnait au journaliste,
dont le visage exprimait un profond dégoût.
— Évidemment,
cela ne vous facilitait pas la tâche, murmura Cassandra d’un air songeur.
Gabriel n’a rien d’un monstre sanguinaire, il évoque plutôt un petit garçon
égaré en territoire inconnu…
— Oui,
enfin, ce n’est pas exactement ce que je voulais dire ! protesta Jeremy
d’un ton rageur.
— Vous
savez, il
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