Le Cercle du Phénix
psalmodiait-elle
dans une litanie sans fin.
Peut-être sa peine aurait-elle été moins écrasante si
elle avait su que sa sœur versait des larmes à l’unisson des siennes.
Chapitre V
Le train avait ralenti et avançait
presque au pas pour gravir une montée abrupte. Dans moins d’une heure, il
arriverait à Londres, et l’aventure de la pierre philosophale verrait son
dernier chapitre se clore. Les yeux fermés, Cassandra luttait contre le
sommeil. Elle n’aspirait plus qu’au repos maintenant que la tempête d’émotions
qui avait balayé les derniers jours s’était enfin calmée.
En tournant le dos à Angelia, elle s’était libérée d’un
grand poids. Cette nouvelle rupture s’avérait douloureuse, déchirante, et
pourtant Cassandra était convaincue d’avoir fait le bon choix. Une cassure
nette et définitive, tel était le prix à payer pour trouver la paix.
Une séparation irréversible, voilà ce à quoi Julian et
Gabriel avaient échappé de justesse par la grâce d’un savoir oublié de tous.
Car Gabriel, défiant toute rationalité, avait survécu au coup de poignard
mortel que lui avait infligé Jeremy. Lorsque Cassandra, encore en larmes, était
repassée dans la salle noire du sanctuaire, elle y avait trouvé le jeune homme
en sang mais bien vivant, entouré de Julian, Megan et Jeremy ; tous les
trois rivalisaient de pâleur et étaient manifestement bouleversés. Un peu plus
tard, Julian, remis de ses émotions, lui avait relaté les événements survenus depuis
son départ du camp avec Angelia et l’espion se faisant appeler Nicholas
Ferguson : la façon dont les émeraudes semées par Dolem leur avaient
permis d’atteindre le dernier sanctuaire, la tentative d’assassinat de Gabriel
par un Jeremy en état de transe, la lente agonie du jeune homme sur le sol
froid de la pièce. La voix de Julian tremblait légèrement tandis qu’il revivait
ces longues minutes d’angoisse qui ne paraissaient devoir déboucher que sur une
mort inéluctable. Mais alors que tout espoir semblait perdu, Dolem avait surgi
dans la salle et était venue précipitamment s’agenouiller près de Gabriel. Avec
des gestes vifs et précis adaptés à l’urgence de la situation, elle avait dilué
dans le contenu d’une petite fiole un morceau d’une masse rouge friable. Dolem
avait ensuite répandu le liquide écarlate sur la blessure de Gabriel. En
quelques secondes, celle-ci s’était cicatrisée, le sang avait cessé de couler,
et le jeune homme avait rouvert les yeux. Son œuvre accomplie, Dolem s’était
éclipsée sans un mot, et Cassandra n’avait pas tardé à surgir à son tour.
Quels qu’aient pu être les sentiments de Julian envers
Gabriel après leur rupture – colère, rancune ou incompréhension – ils
s’étaient dissipés au moment où le poignard de Jeremy avait percé la poitrine
de son amant. Il était clair désormais que Julian ne laisserait plus Gabriel
s’éloigner de lui, et ce dernier du reste ne semblait pas en avoir l’intention,
trop occupé qu’il était à contempler Julian d’un air extatique. Au soulagement
général, le groupe s’était séparé à Paris, Julian et Gabriel devant se rendre
dans le sud de la France afin de récupérer Laura Ashcroft. Il était
temps : la méfiance et l’hostilité que Julian manifestait à l’encontre de Jeremy
rafraîchissaient considérablement l’ambiance, et les rapports tendus
présageaient à chaque seconde un risque d’explosion.
Le dernier soir à Paris, une longue conversation avait
réuni Cassandra et Julian dans le salon de l’hôtel. Julian s’était d’abord
excusé de n’avoir été d’aucun soutien à son amie après la mort d’Andrew.
— J’aurais
aimé pouvoir vous aider davantage, avait-il déclaré avec sincérité.
Il observait Cassandra d’un air
soucieux, et celle-ci avait compris qu’il culpabilisait d’avoir retrouvé
Gabriel tandis qu’elle-même était condamnée à demeurer seule. La comparaison
était douloureuse, en effet, mais Cassandra avait souri bravement et assuré que
tout irait bien pour elle. Julian ne devait pas s’inquiéter : elle avait
surmonté bien d’autres épreuves et était toujours debout. Elle avait toutefois
omis de préciser que la disparition d’Andrew était l’épreuve la plus difficile
à laquelle elle eut jamais été confrontée.
— Mais
vous, Julian, l’avenir ne vous soucie-t-il pas ? s’était-elle enquise.
Gabriel a toujours
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