Le Cercle du Phénix
possède des circonstances atténuantes. Son passé…
— Je
ne veux rien savoir ! la coupa le jeune homme, les joues en feu. Chacun a
sa croix à porter, nous ne devenons pas tous des assassins pour autant !
Et puis, les remords n’avaient pas l’air de l’étouffer !
— Et
pourtant… vous n’avez rien fait pour empêcher Dolem de le sauver… La mort de
Gabriel n’aurait-elle pas soulagé votre chagrin ? Pourquoi ne pas avoir
achevé votre besogne ?
Jeremy ne répondit pas immédiatement.
Le doute se lisait sur ses traits.
— Avant
de le rencontrer, dit-il avec lenteur, j’étais persuadé que seule sa mort me
consolerait et m’apaiserait, sans compter que je rendrais ainsi service à la
société tout entière. Peu à peu, mes certitudes se sont ébréchées, mais malgré
tout je ne renonçais pas à tuer Gabriel. Je le devais à mon père, rien d’autre
ne comptait.
Il secoua la tête, l’air soudain
malheureux.
— Mais
lorsque je l’ai poignardé, je n’ai pas ressenti de soulagement. Juste de
l’horreur, et un immense dégoût pour moi-même. La vengeance n’est-elle pas
inutile ? Le mal qu’il a fait, qui peut le défaire ? Même si je
l’avais tué, mon père n’en serait pas moins mort, tout comme ses autres
victimes.
Il demeura silencieux un long moment,
et son visage se détendit. Il parut apaisé, serein même.
— C’est
mieux ainsi, dit-il en guise de conclusion. Pas de mort, pas de regrets. Tout
est bien, je n’aurais pu espérer meilleur dénouement. D’autant que j’ai
transmis anonymement à la police toutes les informations dont je disposais sur
le Cercle. Angelia Killinton et le Commandeur mis hors de combat,
l’organisation sera facilement démantelée.
Cassandra acquiesça d’un air
pensif ; le fait d’avoir rompu le lien qui l’unissait à Angelia
représentait-il aussi le meilleur dénouement possible ? C’est alors que
Megan, qui était sortie dans le couloir se dégourdir les jambes, ouvrit la
porte du compartiment avec fracas et se laissa tomber sur la banquette près de
Jeremy, l’air d’assez mauvaise humeur.
— Que
comptez-vous faire à présent, Miss Ward ? s’informa le journaliste. Où
allez-vous habiter ?
— Cassandra
m’a aimablement proposé de venir m’installer quelques semaines chez elle, au
manoir, répondit Megan avec une grimace réticente à l’adresse de la jeune
femme. Au fait, comment dois-je t’appeler maintenant ? Grande sœur ?
Belle-maman ? (« Ou bien marâtre ? » ajouta-t-elle en son
for intérieur.)
Megan goûtait peu l’idée de vivre en
tête à tête avec Cassandra, mais se retrouver seule la tentait encore moins,
aussi s’était-elle résignée à cohabiter provisoirement avec la femme qui gérait
désormais ses intérêts. Dieu merci, le manoir était assez grand pour qu’elles
n’empiètent pas sur leurs territoires respectifs.
— Tu
peux continuer à m’appeler Cassandra, rétorqua l’intéressée d’un ton sec. Ce
sera plus simple. Nous discuterons plus tard des projets te concernant.
Megan haussa les épaules et se plongea
dans un livre, tandis que Jeremy s’efforçait de ne pas rire face à ces deux
femmes de caractère.
Cassandra soupira. La cohabitation s’annonçait houleuse,
mais elle veillerait sur Megan, que cela lui plaise ou non. C’était ce
qu’Andrew aurait voulu.
Au détour d’un virage, les faubourgs sombres de la
capitale se découpèrent sur l’horizon neigeux. La fin du voyage approchait, et
cependant de nombreuses questions demeuraient sans réponses. Les plus
lancinantes concernaient Nicholas. À son souvenir, une vague de fureur déferla
dans le corps de Cassandra. L’imposteur avait profité de l’agonie de Gabriel
pour se glisser subrepticement derrière Julian, Jeremy et Megan, quitter le
sanctuaire et se volatiliser dans la nature. Qui était cet homme en réalité, et
où se trouvait-il à présent ?
Surtout, pour qui
travaillait-il ?
En sortant du dernier sanctuaire avec
les autres, Cassandra avait cru voir un homme les guetter à quelque distance de
là, debout à contre-jour sur un rocher qui dominait leur position. Bien que
vaguement familière, la silhouette n’était pas celle de Nicholas. L’inconnu
avait disparu aussitôt, et Cassandra s’était demandé si elle n’avait pas été le
jouet d’une illusion. Pourtant, le malaise qui
l’avait envahie était bien réel.
*
Stevens acheva de déposer les
Weitere Kostenlose Bücher