Le Cercle du Phénix
réellement découvert la pierre philosophale, qu’elle
ait rallongé sa vie et qu’il l’ait cachée quelques années avant sa mort, ce qui
rendrait plausible la date de la faïence.
Andrew le fixa bouche bée, estomaqué par cette
conclusion farfelue.
— Je
vous en prie, vous n’êtes pas sérieux. Et puis, est-il bien raisonnable de se
fier aveuglément aux dires de Dolem ? Nous devons envisager la
possibilité, pour reprendre vos termes, qu’ils ne soient qu’un tissu
d’inepties. Après tout, cette femme dont nous ne savons rien est notre seule
source d’informations dans cette affaire, nous ne devrions pas prendre ses
propos pour argent comptant. Peut-être Cylenius n’a-t-il même jamais existé…
— Ou
peut-être n’est-il pas mort ! s’exclama Jeremy en se redressant sur la
banquette.
— Que
voulez-vous dire ?
— Et
si Dolem et Cylenius n’étaient qu’une seule et même personne ? suggéra le
journaliste. À mon avis, cette femme est trop bien renseignée pour être
honnête, et elle est si étrange… Je ne serais qu’à moitié surpris d’apprendre
qu’elle est née au XIII e siècle.
— De
mieux en mieux ! grinça Andrew, agacé par la tournure que prenait la
conversation.
— Oh,
comme je regrette de ne pas l’avoir rencontrée ! gémit Megan.
Durant les minutes qui suivirent, chacun soupesa la crédibilité
de la thèse de Jeremy.
— Non,
c’est ridicule, trancha finalement Nicholas. Si Dolem était Cylenius, et si
elle avait réussi à obtenir la pierre philosophale, quel besoin aurait-elle eu
de monter cette histoire de triangles et de sanctuaires ?
— Je
l’ignore, reconnut Jeremy.
— Et
si Dolem n’est pas Cylenius, pour quelle raison nous aurait-elle menti sur sa
vie ?
Plus ils réfléchissaient, moins les tenants et les
aboutissants de l’aventure dans laquelle ils s’étaient lancés leur paraissaient
clairs. Cassandra renonça provisoirement à comprendre et reporta son attention
sur Julian qui n’avait pas pris part à la conversation. La tête appuyée contre
la vitre du compartiment, il contemplait le paysage d’un regard vague, l’esprit
ailleurs. Cassandra ne le reconnaissait plus : lui si impassible, si
habile à dissimuler ses sentiments et ses émotions aux yeux d’autrui, semblait
avoir du mal à les contenir depuis son arrivée au manoir. Pensif et troublé, en
proie à un mystérieux tourment, il oscillait en permanence entre l’abattement
et la fièvre, aucun de ces deux états ne lui étant coutumier. Que se
passait-il ?
Elle ne comprenait pas pourquoi Julian les avait
accompagnés, alors qu’il n’était en rien impliqué dans cette affaire. Au
demeurant, la question se posait pour tous. Aucun d’eux ne croyait réellement à
l’existence de la pierre philosophale, et pourtant ils étaient là, réunis dans
ce train en direction de l’Ecosse, prêts à risquer leur vie pour une illusion. À
la réflexion, leur attitude n’était guère cohérente. Seul Nicholas avait une
raison valable de se lancer dans cette aventure : poursuivre la quête de son
père et le venger par la même occasion. Andrew, lui, n’était venu que parce
qu’il désirait veiller sur elle, même s’il savait mieux que quiconque qu’elle
n’avait pas besoin de protection. Megan suivait son frère, trop heureuse de
mettre du piment dans sa vie bien réglée, et insoucieuse d’un danger qui lui
paraissait abstrait. Jeremy était selon ses propres dires guidé par l’ambition
professionnelle ; Cassandra jugeait l’explication un peu mince, mais elle
n’en voyait pas de meilleure. Et elle-même… Mon Dieu, elle-même s’ennuyait fort
depuis qu’elle avait mis un terme à sa carrière de voleuse. Le frisson de ses
expéditions nocturnes lui manquait, tout comme la délicieuse excitation qui
présidait aux préparatifs de ses cambriolages. Depuis le moment où elle avait
reçu la lettre de Thomas Ferguson, elle avait l’agréable impression de revivre
cette époque palpitante. Et si elle pouvait en même temps accomplir une action
louable en contrecarrant les projets d’une organisation criminelle, pourquoi
aurait-elle hésité ?
Le cours de ses pensées dériva vers le Cercle du Phénix,
et de nouvelles interrogations l’assaillirent. Depuis l’épisode du vol de
l’horloge dans le Sussex, l’ennemi demeurait étrangement en retrait. Pourquoi
ne les attaquait-il pas ? Au vu des moyens dont il disposait, il
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