Le Cercle du Phénix
de détendre l’atmosphère.
— De
quoi te plains-tu ? Il y a une foule de prétendants à ta disposition, tu
n’as que l’embarras du choix !
Andrew releva la tête.
— De
qui parles-tu ?
— Des
hommes qui se trouvent sous ce toit, naturellement. Que penses-tu de
Julian ? Il ferait un excellent mari, avec ses titres et sa fortune.
— Trop
âgé !
— Tu
exagères, il n’a même pas trente-cinq ans !
— La
différence de condition sociale est un obstacle insurmontable. Je vois mal
Megan évoluer au sein de la noblesse !
— Nicholas ?
— Surtout
pas !
— Pourquoi
cela ?
— Il
a toujours l’air de ricaner intérieurement, c’est agaçant.
— Ce
n’est pas faux, reconnut Cassandra. Jeremy alors ?
— Un
journaliste ! Ce n’est pas honorable !
— Seigneur,
je ne te savais pas aussi effroyablement snob ! Un médecin répondrait
mieux à tes critères, je suppose ?
— Bien
entendu, repartit Andrew d’un ton digne.
Il hocha la tête avec une expression pénétrée qui fit
sourire Cassandra.
— Tu
es bien difficile, le taquina-t-elle. Finalement, ce sera de ta faute si Megan
ne trouve pas d’époux !
À sa consternation, une ombre de tristesse voila les
yeux d’Andrew.
— Tu
as raison, je ne suis pas à la hauteur de la lâche. Si notre mère était encore
en vie, les choses se passeraient sans doute différemment. Elle est partie
beaucoup trop tôt…
— Tu
ne parles jamais de ta mère…, murmura Cassandra, troublée.
— Je
n’avais que douze ans lorsqu’elle est morte, dit-il à voix très basse.
Il semblait si abattu, si désemparé, que le cœur de
Cassandra se serra.
— Que
se passe-t-il, Andrew ? Quelque chose te tracasse, je le vois bien. Tu
sais que tu peux tout me dire.
Il hésita, ouvrit la bouche comme pour parler. Mais à
cet instant, le bruit d’une voiture se fit entendre dans l’allée menant au
perron. Au grand désespoir de Cassandra, Andrew se leva précipitamment, coupant
ainsi court à la conversation.
— En
parlant de Julian, ce doit être lui qui rentre. La voiture s’arrêta devant le
manoir et le cocher sauta de son siège
pour aller ouvrir la portière de l’attelage. Un long silence suivit, puis le
domestique jaillit dans la maison en poussant des cris affolés.
*
Un vent de désolation soufflait sur le manoir Jamiston.
Tout à coup, la pierre philosophale et le Cercle du Phénix avaient perdu toute
espèce d’importance aux yeux du petit groupe. L’excitation des débuts avait
laissé place à la tristesse et à la consternation. Cassandra et ses compagnons
avaient pris cette entreprise comme un jeu, une palpitante aventure, et soudain
la réalité les rattrapait et les frappait de plein fouet, sous la pire forme
qui soit : la mort. L’état de Julian s’aggravait en effet de minute en
minute, et rien ne paraissait devoir enrayer le funeste processus du mal
mystérieux qui le rongeait. Livide, les yeux creusés dans leurs orbites, les
membres secoués par la fièvre, il était presque méconnaissable. Penché sur son
corps torturé, Andrew ne pouvait que constater l’étendue de son impuissance,
mais il refusait de s’avouer vaincu.
— Vos
efforts sont inutiles, commenta Nicholas, le visage fermé. Vous ne le sauverez
pas.
Il était appuyé contre le chambranle de la porte, les
bras croisés, et fixait Julian d’un air sombre.
— Pourquoi
dites-vous une chose pareille ? s’insurgea Cassandra.
— Ne
soyez pas si fataliste ! ajouta Andrew. Nous ignorons même de quoi il
souffre !
— Moi
je le sais. J’ai assisté exactement à la même scène il y a quelques semaines,
lorsque mon père est mort, empoisonné.
Cassandra tressaillit.
— Empoisonné…,
chuchota-t-elle, très pâle.
Nicholas s’approcha du lit et entrouvrit la chemise de Julian.
— Regardez
cette entaille sur sa poitrine : une blessure minuscule et cependant
mortelle. La peau autour a noirci, c’est la marque laissée par le poison qui a
tué mon père. Un poison indécelable dans l’organisme, qui provoque un trépas
rapide avec des symptômes similaires à ceux d’une forte fièvre. Le processus
est inexorable. Dans quelques heures tout au plus, Lord Ashcroft sera mort. Je
suis désolé.
— Il
y a forcément quelque chose à faire ! protesta Andrew, saisi d’effroi.
— Peut-être,
mais aucun médecin à Paris n’a trouvé quoi. Ne vous bercez pas
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