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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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tenions dans la partie la plus
sombre de l’église, mais je me sentais à découvert car de l’autre côté l’autel
était éblouissant de cierges et de lampes à huile. Une file d’hommes en froc
étaient en rang devant l’autel et leurs ombres nous couvraient. L’un d’eux se
retourna, mais il ne distingua que trois silhouettes encapuchonnées et dut
penser que nous étions d’autres prêtres, car il ne broncha point.
    Il me fallut un moment pour voir qui se
trouvait sur l’estrade basse à cause de cette haie de prêtres et moines, mais
lorsque tous s’inclinèrent devant le crucifix d’argent, je vis Æthelred et
Aldhelm à gauche et l’évêque Erkenwald à droite. Entre eux se tenait Æthelflæd,
vêtue d’une longue chainse blanche ceinte juste sous sa poitrine menue, et
cheveux dénoués, comme une fillette. Elle semblait effrayée. Une femme plus
âgée l’accompagnait, le regard dur et les cheveux gris ramenés en chignon.
    Erkenwald priait en latin, et à intervalles
réguliers les neuf prêtres répétaient ses paroles. L’évêque portait une aube
rouge et blanche cousue de croix en gemmes précieuses. Sa voix, rude comme
toujours, résonnait dans la salle alors que les autres murmuraient. Æthelred
semblait s’ennuyer, tandis qu’Aldhelm prenait apparemment plaisir à ces
mystères.
    L’évêque termina ses prières, l’assistance
prononça un amen, puis, après une pause, Erkenwald prit un livre sur l’autel et
l’ouvrit à une page marquée d’une plume.
    — Ceci, dit-il en anglois, est la parole
du Seigneur.
    — Oyez la parole du Seigneur, murmurèrent
les clercs.
    — Si un homme craint que son épouse n’ait
été infidèle, clama l’évêque, qu’il l’amène devant le prêtre. Et qu’il apporte
une offrande !
    Il se tourna vers Æthelred, qui portait une
cape vert pâle par-dessus sa cotte de mailles et même ses épées, ce que les
clercs ne toléraient jamais dans un lieu saint.
    — Une offrande ! répéta-t-il.
    Æthelred sursauta et fouilla dans une bourse
et lui tendit un petit sachet.
    — De l’orge, dit-il.
    — Comme l’exige le Seigneur, répondit
Erkenwald sans le prendre.
    — Et de l’argent, ajouta Æthelred en
sortant un second sachet.
    Erkenwald les prit et les posa devant le
crucifix. Il s’inclina devant l’image de son dieu crucifié et reprit son livre.
    — Voici la parole du Seigneur, reprit-il.
Le prêtre prendra de l’eau bénite dans un vaisseau de terre et la poussière du
tabernacle il y versera.
    Il reposa le livre et un prêtre lui donna une
coupe grossière en terre cuite, puis, après s’être incliné, il se baissa, et
ramassa une poignée de terre et de poussière qu’il jeta dans l’eau avant de la
poser sur l’autel et de reprendre son livre.
    — Je te défie, femme, lut-il à Æthelflæd.
Si nul homme ne s’est allongé avec toi et si tu ne t’es point fourvoyée avec un
autre homme que ton époux, tu ne seras point maudite par cette eau amère !
    — Amen, dit l’un des prêtres.
    — La parole du Seigneur, dit un autre.
    — Mais si tu as connu l’impureté, cracha
Erkenwald, et la disgrâce, le Seigneur fera pourrir ta cuisse et enfler ton
ventre. (Il reposa le livre.) Parle, femme.
    Æthelflæd se contenta de le fixer sans
répondre, les yeux écarquillés de terreur.
    — Parle, femme ! s’écria l’évêque. Tu
connais les paroles, alors prononce-les !
    Æthelflæd semblait avoir peur de parler. Aldhelm
chuchota à Æthelred qui opina sans rien faire. Aldhelm avança d’un pas et
frappa Æthelflæd d’une tape sur le crâne. Ce n’était qu’un soufflet, mais je
fis instinctivement un pas en avant. Gisela me retint.
    — Parle, femme ! ordonna Aldhelm.
    — Amen, parvint à articuler Æthelflæd.
    Je fis signe à Gisela que j’étais calme. J’étais
en colère et étonné, mais calme. Je lui caressai la main, puis je la posai sur
le pommeau de Souffle-de-Serpent.
    Æthelflæd avait dû dire ce qu’il fallait, car
Erkenwald prit la coupe et l’éleva devant le crucifix, puis il versa
délicatement un peu du liquide dans un calice d’argent et présenta cérémonieusement
la coupe de terre à Æthelflæd.
    — Bois l’eau amère, dit-il.
    Æthelflæd hésita, puis, voyant Aldhelm près de
la frapper de nouveau, prit la coupe, ferma les yeux et but. Tous la
regardèrent faire attentivement, s’assurant qu’elle n’en laissait pas une
goutte. Les flammes des cierges

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