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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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c’était sans doute pour cela que je voyais encore en lui le garçonnet
apeuré que j’avais épargné à Cair Ligualid. Peut-être Ealswith voyait-elle l’homme
qu’il était devenu.
    — Tu es avec elle depuis longtemps.
    — Oui, seigneur.
    — Envoie-la-moi, je lui parlerai.
    Sihtric étant mon homme lige, il lui fallait
ma permission pour que son épouse fasse partie de ma maison.
    — Elle te plaira, seigneur.
    — Je l’espère.
    Un vol de cygnes passa bruyamment entre nos
navires. J’étais satisfait, bien que craignant toujours pour Gisela, et le
papillon qui m’avait tranquillisé finit par s’envoler.
    J’effleurai le pommeau de Souffle-de-Serpent
et mon amulette en priant Frigg pour qu’il n’arrive rien à Gisela.
    Il était midi quand nous approchâmes de
Caninga. La marée était basse et les bancs de vase s’étendaient dans le calme
estuaire où nous étions les seuls navires. Je poussai l’ Aigle-des-Mers jusqu’au rivage sud et observai la crique de Beamfleot, mais seule une brume de
chaleur tremblotait au-dessus de l’île.
    — Ils semblent partis, commenta Finan.
    — Non, il me semble voir des navires
là-bas.
    — Pas autant qu’ils devraient être.
    — Allons voir.
    Nous fîmes le tour de la pointe est et
découvrîmes qu’il avait raison. Plus de la moitié de la flotte de Sigefrid
avait quitté la petite rivière Hothlege.
    Il n’y avait plus dans la crique que quatorze
mâts sur les trente-six que nous avions comptés trois jours plus tôt. Comme
nous n’en avions vu aucun remonter vers Lundene, il n’y avait que deux
possibilités. Soit ils étaient partis au nord-est sur la côte d’Estanglie, soit
ils étaient partis au sud en expédition dans le Cent. Sous le soleil brûlant, les
sentinelles qui nous surveillaient depuis le haut rempart nous virent hisser la
voile et virer de bord pour profiter de la brise nord-est et traverser l’estuaire
vers le sud. Je guettais un nuage de fumée qui aurait indiqué une attaque sur
quelque ville, mais le ciel de Cent était limpide. Nous amenâmes la voile et
continuâmes à la rame vers l’embouchure de la Medwæg sans voir la moindre fumée.
Puis l’œil aiguisé de Finan posté en proue repéra six navires.
    Je m’attendais à une flotte d’au moins vingt
et je pensai tout d’abord qu’il s’agissait de marchands.
    — Ce sont des navires de guerre, courut m’annoncer
Finan.
    — Ils se déplacent ? demandai-je en
scrutant l’horizon.
    — Non, seigneur.
    — Pourquoi avoir jeté l’ancre ici ?
    Les navires étaient de l’autre côté de l’embouchure
de la Medwæg, en face de Scerhnesse, « la pointe claire », où s’agitaient
les courants.
    — Je crois qu’ils sont échoués, seigneur.
    S’ils avaient été à l’ancre, ils auraient
attendu que la marée leur fasse remonter le fleuve ; mais quand un navire
était échoué, l’équipage débarquait et c’était toujours pour piller.
    — Mais il ne reste plus rien à voler à
Scaepege, dis-je, intrigué.
    Scerhnesse était à l’extrémité ouest de
Scaepege, une île au sud de l’estuaire de la Temse qui n’avait cessé d’être
pillée et harcelée par les Vikings. Elle comptait peu d’habitants, terrés dans
les criques. C’est dans la Swealwe, le chenal entre l’île et la terre, que des
flottes entières de Vikings s’abritaient par mauvais temps. Scaepege et la
Swealwe étaient des endroits dangereux, mais où l’on ne trouvait ni argent ni
esclaves.
    — Approchons-nous, dis-je à Finan.
    Il retourna à la proue alors que Ralla, à la
barre de l’ Épée-du-Seigneur, arrivait à notre hauteur. Je lui désignai
les navires au loin.
    — Nous allons jeter un œil ! décidai-je.
    Ralla hocha la tête, cria un ordre, et les
rames commencèrent à battre l’eau. En approchant, je constatai que Finan avait
raison : il y avait là six navires de combat échoués. À terre, un ruban de
fumée trahissait le feu qu’avaient allumé les équipages. Il n’y avait aucune
figure de proue, mais cela ne voulait rien dire. Les Vikings considéraient
peut-être tout Scaepege comme leur territoire et étaient donc respectueusement
leurs têtes de monstres avant d’y aborder.
    — Mène-nous droit dessus, dis-je à Clapa
en lui confiant la barre avant d’aller rejoindre Finan. Rien ne vaut la rame
pour devenir un gaillard bien taillé, dis-je au passage à Osferth qui suait au banc
de nage.
    — On dirait bien des Danes,

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