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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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s'approchant des ballots de paille qui avaient servi à délimiter l'aire des joutes, ce fut le tintement de l'acier. Son cœur s'emballa tant qu'elle faillit en perdre le souffle et trébucha dans un fragment de carcasse qu'un chien avait dû enterrer là. Chair en putréfaction. Mauvais présage ? Elle reprit l'équilibre et courut de plus belle. Elle contourna le dernier ballot de la rangée, celui qui avait servi de portail, et déboucha sur le terrain.
    Mathieu s'y trouvait, encerclé par des soldats. Si ceux-ci s'entraînaient à la lutte à mains nues, d'autres à croiser le fer, le jouvenceau s'appliquait à manier un braquemart en reproduisant les mouvements qu'on lui montrait.
    « Plus haut le coude. Serre le poing. Plus fort. Il faudra t'aguerrir, mon garçon. Un poignard te désarmerait. Souple, le balancé, souple. On dirait que tu veux sabrer du blé. Les genoux fléchis. Pas trop, on dirait que tu veux chier. Regarde ! C'est pas difficile pourtant, l'asticotait son maître d'armes. »
    Algonde étouffa un cri dans la paume de sa main. Immobilisée brusquement sur l'herbe, comme si une barrière infranchissable s'était dressée entre elle et lui, elle ne pouvait détacher ses yeux du visage de Mathieu, qui, tout à son effort, ne l'avait pas encore vue. Il suait à grosses gouttes, tirait la langue comme tout à l'heure son frère, essayait de bien faire, sans y parvenir pourtant. Chaque mouvement qu'il imposait à cette épée courte et large, aussi maladroit soit-il, renvoyait pourtant Algonde à sa prémonition. Elle était terrifiée. Il ne pouvait pas, il ne devait pas. Faire quelque chose. Lui enlever cette idée stupide. Un geste, un seul. L'arracher à son destin. Mais son corps refusait de répondre. Comme un paralytique, elle était incapable de bouger.
     
    C'est ainsi qu'il la découvrit soudain. Il lui sourit et abaissa sa garde.
    — Alors quoi, déjà fatigué, mon garçon ? se moqua son instructeur.
    D'un mouvement du menton, Mathieu lui désigna Algonde. Le soldat comprit aussitôt.
    — Va, dit-il. Les pucelles sont toutes les mêmes. Elles rêvent de preux chevaliers, mais se liquéfient dès qu'elles les voient combattre. Ça lui passera, crois-en ma vieille expérience.
    Mathieu lui rendit le braquemart et s'avança vers elle.
    — Viens, lui dit-il en arrivant à portée.
    Voyant qu'elle ne bougeait pas, il lui prit la main et l'entraîna. Elle se laissa faire. Parler, hurler, empêcher, convaincre. Son cerveau énumérait en silence la longue liste des verbes qui répondaient à sa volonté. Rien ne franchissait ses lèvres. Lorsque Mathieu s'arrêta plus loin derrière une barrique vide, pour les isoler un peu des regards indiscrets, elle était sans force. La seule chose qui franchit ses lèvres fut un pitoyable :
    — Pourquoi ?
    — Pour te suivre à La Bâtie, parbleu ! Ta maîtresse voulait te garder. Moi tout autant. Alors, le baron m'a enrôlé, dit-il en éclatant de rire.
    Elle le foudroya du regard.
    — C'est un métier dangereux, Mathieu, tu n'en mesures pas tous les risques, parvint-elle enfin à articuler.
    — Bien moins que de te laisser à la merci d'un autre. Ne fais pas cette tête. D'accord, je ne suis pas bien dégourdi, mais ça viendra avec l'entraînement.
    Un sursaut de colère, en réponse à ce désespoir qui la rongeait, lui fit enfin retrouver sa verve.
    — Bon sang Mathieu, tu n'es pas fait pour ça. Ils sont tous des mercenaires. Toi, tu es un panetier ! C'est ça ta vocation.
    — Des vocations, on en change. Alors quoi, tu ne veux pas que je t'accompagne, tu ne veux plus qu'on se marie ? se rembrunit-il.
    — Ce n'est pas ça. J'ai peur, c'est tout.
    — De quoi ? Le pays est paisible. Vois ces hommes ! Avec le baron Jacques, ils ont été de tous les combats contre Charles le Téméraire. A peine l'un d'eux peut-il s'enorgueillir d'une égratignure. Ils m'enseigneront l'art de me défendre mieux que quiconque, si tant est que nous soyons de nouveau en guerre.
    — Elle pourrait venir sans prévenir, essaya-t-elle.
    Mais elle savait déjà qu'elle avait perdu. Il la prit dans ses bras et lui caressa la nuque.
    — Je ne m'engage pas, Algonde. Je saisis cette chance qu'on me donne parce que je ne veux pas te perdre. Le jour où la baronne sera lassée de toi, nous reviendrons au pays et je reprendrai le travail de mon père, je te le promets.
    — Ton frère t'y remplace déjà.
    — Qu'importe ! Nous irons à la

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