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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Rochette. Enguerrand a toujours aimé mon pain.
    Enguerrand. De nouveau cette image. Lui et Mathieu, dressés l'un contre l'autre. La chasser. Oui, la chasser puisqu'elle n'y pourrait rien changer. Algonde s'écarta.
    — Ne me demande pas de me réjouir, Mathieu. Pour l'heure, j'en suis incapable. Ce n'est pas ainsi que je voulais que soit notre vie.
    Il la prit par le menton, comme tout à l'heure l'avait fait son père, fouilla son regard aux couleurs du Furon.
    — M'aimes-tu, Algonde, assez pour croire en moi ?
    Un sanglot s'étrangla dans la gorge de la jouvencelle. Elle baissa les yeux.
    — Assez pour croire en nous, hoqueta-t-elle.
    — Alors fais-moi confiance. Rien ne nous arrivera de mauvais.
    Il chercha ses lèvres tremblantes. Algonde s'y abreuva longuement. Elle avait mal. D'une douleur sans nom mais pas sans visage. Celui de Mélusine s'y incrustait.
    — Va, lui dit-elle lorsqu'ils s'écartèrent l'un de l'autre.
    Il lui prit la main et la porta encore à ses lèvres avant de détaler. Elle ferma un instant les yeux, s'adossa à la barrique pour cacher les larmes qui la dévastaient. Elle n'avait qu'un moyen de les soulager. Les mêler aux eaux sombres du torrent. Elle partit à la course, sans se retourner, le bas de ses jupes dans ses poings serrés.
     
    Elle longea la rive jusqu'à atteindre le goulet où le Furon disparaissait sous la roche. Sans réfléchir plus avant, elle ferma les yeux et se laissa avaler.
    Ballottée par les remous, elle ne songea pas un instant à se protéger des rochers qui l'écorchaient au passage le long des boyaux. Ils l'amenèrent jusqu'à la grotte souterraine où Mélusine, la première fois, l'avait ranimée. Le jeu du courant la jeta dans le petit déversoir sur le côté. Elle se hissa sur sa berge, sombre. Le grondement de la rivière était plus fort encore qu'à la surface, répercuté par la chambre d'écho que formait la voûte. Algonde se mit à claquer des dents. Pourrait-elle remonter seule ? Elle en doutait, mais cela n'avait soudain plus la moindre importance. Où était-elle la petite Algonde qui riait en attrapant des gardons ? Où était-elle la bécaroïlle de maître Janisse qui faisait des grimaces devant ses œufs au lait ? Elle n'était pas née pour le désespoir. Pas née pour la peur. Pas née pour le sang. Elle était faite pour rire et faire des farces à Mathieu. Elle éclata en sanglots. Ici, personne ne pouvait les entendre. Le Furon avalait son chagrin comme il avait avalé son bonheur.
    Peu à peu pourtant elle s'apaisa. Comme si la violence des eaux noires autour d'elle entraînait la sienne vers d'autres rives. Le dernier hoquet la laissa vide.
    Elle ferma les yeux. Il lui suffirait d'appeler Mélusine pour qu'elle vienne, elle le savait. En avait-elle envie ? Tenait-elle à connaître les réponses aux questions qu'elle s'était posées ? Se rassurer d'un mensonge de plus ?
    — Non, jeta-t-elle comme une évidence dans le tumulte.
    Ni Mélusine ni personne. Juste elle. L'enfant d'hier, la femme d'aujourd'hui, la veuve de demain. Face à cette trinité. Et composer.
    La première chose qui lui vint fut un chant. Un son qu'elle n'avait jamais encore produit, comme un souffle de printemps sur un bourgeon. Elle se mit à genoux, les mains sur les cuisses, le laissa jaillir d'elle en dodelinant de la tête. Elle le sentait tour à tour léger ou puissant. Pas d'images. Juste une vibration qui semblait s'emparer de chaque cellule de son corps pour la régénérer. Elle s'en berça jusqu'à la plénitude. Alors seulement, elle accepta de voir au-delà, de s'approprier ces pouvoirs en elle. Hier elle commandait à l'épervier. Il n'était pas revenu. Où est-il ce jourd'hui ?
    Au sommet d'un arbre, près d'une source claire. Une grotte naturelle à flanc de montagne. Des rochers escarpés. Le Vercors. Il attend. Elle est en communion avec lui. Avec qui d'autre. Mathieu ? Elle se concentre sur son visage. Les lices. Il s'essaye au fléau d'arme, le lève, l'abat sur le mannequin en se pinçant méchamment les doigts entre le manche et la chaîne du boulet hérissé de pointes. Il lâche l'arme et souffle sur son ongle meurtri en sautillant d'un pied sur l'autre. L'image se perd. Elle en cherche une nouvelle. Philippine. La chambre est dans la pénombre. Elle dort, paisible, une mèche lui balaye le visage. Gersende ? Elle s'esclaffe. Un marmiton a fait tomber un œuf de son panier et maître Janisse vient de l'écraser du

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