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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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de gémir sous l'assaut de ses tempes vrillées par l'écho de sa propre voix.
    Algonde les lui massait alors avec une décoction de menthe et de mélisse, puis, lorsque Philippine ouvrait les yeux, apaisée, elle s'appliquait à la parer pour la journée. Pas une seule fois, elles n'avaient l'une ou l'autre fait allusion à Mathieu. Philippine se sentait très attirée par Enguerrand, certaine de ne pas lui être indifférente. Tout en se laissant coiffer et maquiller, elle commentait leurs échanges à Algonde. Échanges d'une grande banalité, mais qui, le vin aidant, donnaient à la jouvencelle l'impression qu'une éternité s'était écoulée depuis le couvent de Saint-Just.
    Pour finir, elles se séparaient à la hauteur du deuxième palier, l'une pour permettre, par son travail, à l'autre de festoyer.
     
    Cela avait été ainsi jusqu'à la veille, où les cloches, toutes les cloches de France, avaient sonné le tocsin. Le roi était mort. L'abbé Vincent avait dit une messe pour lui et tous ceux qui étaient encore en ces murs s'y étaient rendus. Jacques de Sassenage avait évoqué quelques-uns de ces moments où ils s'étaient trouvés tous deux côte à côte. Son émotion avait gagné chacun. La tristesse avait succédé au rire.
    Dans la foulée, Enguerrand avait annoncé à sa mère qu'il comptait s'embarquer pour Rhodes, se mettre au service des Hospitaliers, et qu'il serait heureux qu'elle administrât la Rochette en son absence, Contrairement à ce qu'il avait craint, Jacques l'avait encouragé dans cette décision, assurant qu'il avait ressenti au même âge le besoin de se prouver sa valeur.
    Après avoir félicité et salué encore Mathieu et Algonde, Enguerrand était reparti.
    Pareillement chagrinées de son départ précipité, Sidonie et Philippine avaient joué aux échecs le restant de la journée avant de se coucher tôt et, l'une comme l'autre, de donner congé à leur chambrière jusqu'au lendemain dix heures.
     
    Algonde aurait pu en profiter pour récupérer à son tour de cette fatigue qui plombait ses épaules, mais l'envie de Mathieu la tenait tout entière, et avec elle ce parfum de pain blond qu'il portait en permanence jusqu'en ses cheveux.
    Elle s'habilla en chantonnant, sachant sa mère déjà à l'ouvrage auprès de maître Janisse qui finissait son inventaire commencé la veille, puis dévala les escaliers le cœur en fête. Les réjouissances des autres terminées, elle allait en toute quiétude pouvoir songer aux siennes. Devant le fournil pourtant, c'est Louis qu'elle trouva. De carrure plus frêle que son aîné, il peinait à enfourner ses miches.
    — Holà, l'interpella-t-elle.
    En voulant tourner la tête vers elle, il manqua chavirer son chargement.
    — Fais donc attention, gronda Jean, qu'elle n'avait pas entendu venir.
    — Oui, p'pa, transpira le garçonnet en tirant la langue.
    Joviale, Algonde fit face au maître panetier qui essuyait ses mains poisseuses de pâte et de farine sur son tablier.
    — Il est où le Mathieu ? Pas malade, j'espère ?
    Jean avait les traits tirés, l'air bien moins chaleureux que celui qu'elle lui connaissait de toujours. Le ton d'ailleurs était froid.
    — Occupé à son nouveau métier, je suppose. Pas vu ce matin.
    Un pincement au cœur d'Algonde. Sentiment furtif d'angoisse. Accrochée dans l'œil sombre de Jean.
    — Quel nouveau métier ? Il ne m'en a rien dit.
    La rancœur soudaine du panetier retomba. Il l'aimait comme sa fille, cette petite. Elle n'était pas responsable de ce qui arrivait, après tout. Il lui pinça affectueusement le menton entre ses gros doigts, comme il le faisait souvent, et lui sourit tristement.
    — Il a pas dû en avoir le temps avec tout ça. C'est pas à moi de te l'annoncer. Je m'y fais pas, ma bécaroïlle. Tu y es pour rien mais je m'y fais pas, répéta-t-il avant de lui tapoter la joue d'une main molle, y laissant quelques traces blanches.
    Elle déglutit avec peine, de plus en plus inquiète.
    — Où je peux le trouver, selon vous ?
    — Dans les lices.
    Elle sursauta.
    — Là où se tenait le tournoi ?
    — C'est ça…
    Besoin de savoir. Elle tourna les talons. La voix cassée de Jean la cueillit dans son dos, avant qu'elle ne démarre.
    — Prends donc du courage avec toi, ma bécaroïlle, on sait jamais, des fois qu'ça t'plairait pas.
     
    Mais déjà elle savait, elle sentait que, comme disait Jean, ça ne lui plairait pas. La première chose qu'elle entendit en

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