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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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son sabre.
    — Vous l'avez, s'engagea Guy de Blanchefort.
    — C'est une mise à mort que je veux. Celle du traître.
    — Je sais. Votre code d'honneur est semblable au mien. Un de vos janissaires n'aura qu'à procéder sur le bateau qui la ramènera à Rhodes. Jusque-là, j'ai accordé mon sauf-conduit.
    — Ce féminin désigne une de mes épouses. Son nom ?
    — Mounia.
    Djem ravala sa déception. Ce n'était pourtant pas une surprise. Son erreur avait été de sous-estimer l'orgueil de l'Égyptienne. Il n'est rien de pire qu'une femme humiliée. Sa mère, qui avait eu affaire à celle de Bayezid, rejetée, n'avait pourtant eu de cesse de le lui répéter. Lequel des deux était coupable en ce cas ? Lui pour l'avoir méprisée en la livrant comme une putain à Philibert de Montoison ? Ou elle pour s'être vengée ? Un instant, il fut tenté de lui accorder sa clémence, mais il ne le pouvait sans se renier. Ainsi était la loi dans son pays. Tout traître devait être exécuté. Elle ne pouvait y échapper.
    — J'ai votre parole ? insista-t-il en emboîtant le pas au grand prieur.
    — Vous l'avez, Djem. Elle mourra et votre homme ne sera pas inquiété.
     
    Ils remontèrent l'allée jusqu'à la bâtisse, les bottes baignant dans les rigoles de sang que le sol ne parvenait à avaler. Les Hospitaliers se penchaient déjà sur les blessés, organisant leur transport dans l'hospice. Près du donjon de la commanderie, les janissaires valides et leur agha avaient été rassemblés et désarmés par les soldats sous le commandement de Luirieux.
    — Vous comprendrez, je crois, que je ne puisse plus vous accorder d'autre escorte que la mienne. Je vous laisse trois janissaires de votre choix, leur capitaine et cinq accanguis, annonça Guy de Blanchefort à Djem comme ils arrivaient devant eux.
    Djem désigna quelques têtes parmi ses hommes. Luirieux les libéra avant de diriger le reste du groupe vers l'intérieur du donjon.
    — Je conserve mes compagnons, mes esclaves, mes femmes et mon cadilecher, énuméra Djem, contraint à l'impuissance.
    — Les autres seront rapatriés à Rhodes. Ils se mettront en route dès demain.
    Djem hocha la tête. Accord tacite. Il se sentait las et n'aspirait plus qu'à se laver de tout ce sang qui lui collait aux mains et aux habits.
    — Si vous le permettez, grand prieur, je vais me retirer.
    — Une chose encore, Djem. Nous partirons nous-mêmes sous huitaine pour le château de Rochechinard.
    Djem lui offrit un sourire résigné.
    — Là ou ailleurs…
    Il se détourna pour monter l'escalier du corps de logis.
    — Les forêts y sont giboyeuses à souhait…
    La voix était amicale, chargée de promesses. Djem s'immobilisa sur le seuil, le cœur soudain plus léger.
    — Il me faudra un destrier.
    — Vous le choisirez vous-même, mais je serai heureux de vous y aider. Si vous y consentez…
    Djem s'enfonça dans les profondeurs de la commanderie, le dos légèrement voûté. Il était épuisé. Douloureux aussi de la perte de ses hommes. Demain serait un autre jour. Puis un autre et un autre encore suivraient. Si Guy de Blanchefort y veillait, peut-être seraient-ils moins semblables. Il voulait croire qu'un matin se lèverait, s'il gardait l'espoir, où ses ambitions rejoindraient celles des Hospitaliers. Demain…
    Il s'endormit en rêvant de longues chevauchées.
     

31
    Huit jours passèrent. À l'image du pays tout entier qui pleurait son roi défunt, Sassenage s'embourbait sous les trombes d'eau d'orages aussi violents que répétés. Entre deux, l'air était si lourd, la chaleur si malsaine que le moindre mouvement faisait enfler les chevilles. Dans les étables, les écuries, les bêtes raclaient du sabot, s'agitaient dans leurs stalles. Même les coqs, perturbés par ces fulgurances de lumière à la trouée d'un nuage, quand la pénombre régnait la plupart du temps, ne savaient plus distinguer le jour de la nuit et chantaient de-ci, de-là, comme atteints de folie. Les ballots de paille laissés aux champs étaient perdus et l'on se lamentait déjà dans les fermes alentour, le nez raclant le papier huilé des fenêtres. Nul ne voulait prononcer le nom de Mélusine, mais chacun y songeait, comme chaque fois que les éléments se déchaînaient. Terrés dans les habitations, on voyait le Furon grossir jusqu'à caresser ses berges. La roue du moulin à huile tournait plus vite que d'ordinaire, entraînée par les gros d'eau. À certains endroits,

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