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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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la route s'était changée en mare. À l'entrée du village, le pont tenait bon, mais l'eau encerclait ses piliers de ses remous fantasques. Partout l'on priait, traçait sur sa poitrine un signe de croix lorsque la foudre s'abattait tout près. Dès que le soleil louvoyait entre les nuages, on sortait la tête. Vérifier que tout était encore debout autour de soi. La terre ruisselait vers le Furon, dévalait des collines comme autant de torrents noirâtres, charriant des branches brisées, des tuiles arrachées, ici un linge oublié à la fenêtre, là une charogne. Noyée ou foudroyée. On évitait ces coulées meurtrières, on faisait un bref état des lieux, se félicitant ou se désolant de leur passage devant la porte, dans le poulailler, le long de la rue principale. Quelques minutes d'accalmie dans le chaos, avant que de grosses gouttes ne balayent de nouveau celles en suspens au bord d'un toit et ne fassent se refermer les portes sur un air plus frais.
     
    Philippine trompait son ennui auprès de Sidonie. Fenêtres bouclées, elles brodaient en conversant de tout, de rien, sous l'œil égal de Marthe, perdue dans son propre ouvrage. Parfois, le baron les distrayait d'un peu de musique. Sa voix alors couvrait la leur. Ils reprenaient ensemble un refrain, partageaient l'émotion d'un vers, tremblaient de l'évocation d'une bataille ou s'accordaient à partager l'épopée d'une chanson de geste. Échecs, jeu de dames, trictrac, cartes, alquerque, dés… On passait de l'un à l'autre en se disant que demain, on pourrait chasser, galoper.
    Sidonie avait entrepris d'enseigner à Philippine les nouvelles danses en vogue à la cour de France. À la Bâtie, lui avait rappelé son père, les fêtes étaient fréquentes. La puissance des Sassenage s'y exprimait de la plus élégante des façons et les vassaux s'y succédaient pour rendre hommage au baron. Philippine se devait de briller par ses belles manières. Dès lors, refusant de mettre le nez dehors puisque ce temps la désorientait, elle s'appliquait à ses leçons deux heures par jour dans une atmosphère qui répondait à la tristesse ambiante par une belle et saine gaieté.
     
    Entre le lever et le coucher, Algonde avait congé. Philippine lui avait proposé de se joindre à elles à l'exemple de Marthe, mais, justement à cause de cette dernière, la jouvencelle avait refusé. Vaquer dans le castel lui plaisait davantage. Algonde n'était pas faite pour demeurer des heures entières assise sous un chandelier à enfiler des aiguilles ou à tourner le rouet. Elle s'en lassait vite. Elle n'aimait rien tant que l'activité. Gersende ne pouvait guère lui en offrir cependant. Elle mettait à jour les comptes du mariage que le baron avait réclamés.
    Retrouver Mathieu ? Algonde l'avait bien tenté, mais il ne quittait plus les soldats. À défaut de pouvoir s'entraîner, ceux-là riaient, buvaient, partageaient souvenirs graveleux et d'échauffourées. Mathieu écoutait, se forgeait un caractère qui jusque-là lui était étranger. À chaque éclaircie, il sortait avec son maître d'armes et mettait en pratique ce qu'on lui enseignait. Algonde avait beau faire, elle n'aimait pas voir cette dague cingler l'air devant elle. Elle n'aimait pas non plus ce rire qui lui naissait de l'entre-gorge à la manière des soudards. Avait-il besoin de les imiter pour devenir un des leurs ?
    — Je m'imprègne de mon futur métier, s'était étonné le jouvenceau quand elle le lui avait fait remarquer à la faveur d'un des rares moments où elle avait pu lui parler en aparté.
    — Leurs manières ne sont pas dans ta nature, Mathieu. Pourquoi veux-tu la forcer ?
    Il avait haussé les épaules, l'œil pétillant.
    — La nature est trompeuse. A dire vrai, je me sens bien mieux à suer de cette manière qu'à charger ma fournée.
    Algonde avait senti son cœur se déchirer.
    — Dois-je comprendre que cela te plaît ?
    Il l'avait serrée dans ses bras, heureux comme lorsque, enfançon, il découvrait un nouveau jeu.
    — C'est une grande chance, non ? Tu verras, d'ici quelques semaines, je serai à même de te protéger de tous les dangers. Comme lorsque nous étions enfants, tu te souviens ? Tu étais une princesse et moi un preux chevalier.
    — Je ne suis qu'une servante et toi, un soldat. Nos rêves ne sont pas devenus réalité, Mathieu. Ils ne doivent pas nous tromper.
    Il l'avait embrassée sur les lèvres, léger comme autrefois, imperméable à sa

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