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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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l'amant de Mélior, murmura-t-elle d'une voix éteinte.
    Des larmes piquèrent aussitôt les paupières d'Algonde. Le parallèle était pour le moins significatif, et pourtant…
    — Pourquoi l'aurais-je sacrifié, mère ? Mélior avait une raison, pas moi ! Tu sais à quel point je l'aime, gémit la jouvencelle en offrant à sa mère son visage ravagé.
    Gersende dodelina de la tête, les yeux rétrécis dans ses orbites creusées par le chagrin.
    — Certaines choses dépassent le conscient, Algonde. Il semble que l'épervier voie plus loin que nos émotions. Il est dangereux.
    — Tu crois qu'il y avait une part de maléfique en Mélior ?
    — Je crois qu'il y a toujours une part de maléfique en nous.
    Algonde en frémit.
    — Il a attaqué Philippine aussi.
    — Elle vient de me l'apprendre. Il faut te méfier, Algonde. Je n'ai pas les pouvoirs dont tu as hérité, mais je te connais bien. Je sais que tu ne m'as pas tout raconté, je sais que tu as peur de demain. Ce fardeau te ronge, c'est visible. Si tu le laisses t'altérer, si tu perds ta vérité, alors cette noirceur qui habita le cœur des trois sœurs te gagnera tout entière.
    Les larmes roulèrent sur les joues d'Algonde. Elle passa un doigt sur la joue râpeuse de barbe de Mathieu. Sa voix se fit murmure.
    — Et s'il était trop tard déjà…
    — Il n'est jamais trop tard. Il vit. Vous vous aimez.
    — Mais c'est à Philippine que j'appartiens, tu le sais.
    Gersende planta son regard clair dans le sien. Il n'était que tendresse.
    — Il n'adviendra que ce que tu voudras qu'il advienne, pas ce que l'on voudra t'imposer.
    — C'est ce que j'ai cru. Je n'en suis plus sûre. J'ai l'impression de ne rien contrôler.
    — En qui as-tu confiance ?
    — Pas en Mélusine en tout cas. Ni en la prophétie. Quelque chose sonne faux. Où, quoi ? Je l'ignore, mais j'ai conscience qu'on me cache quelque chose, qu'on me manipule. Je ne me reconnais plus, mère.
    Le silence retomba. Intense d'une réflexion commune. Gersende le rompit.
    — Tout ce que je sais me vient de ce que Mélior a voulu transmettre à sa descendance. Je n'ai jamais cherché à en percer le sens. Peut-être aurais-je dû. Mais comment aurais-je pu prévoir que tu serais celle qui la remplacerait ? A dire vrai, j'avais presque fini par oublier toute cette histoire. C'était en moi comme une de ces comptines qui se transmettent de mère en fille. Rien d'autre. Ne te trompe pas, Algonde. Comme toi, depuis que je sais, l'angoisse me noue le ventre. Toutes les mères rêvent d'un grand destin pour leurs enfants. Je devrais être de celles-là. Je n'y parviens pas parce que je te sens en danger. Pire encore, malheureuse, toi ma bécaroïlle, qui n'étais jusque-là que gaieté.
    Leurs doigts se nouèrent, tristement complices.
    — Que dois-je faire, mère ?
    Gersende secoua la tête en soupirant.
    — Je n'ai pas la réponse à cette question, hélas.
    — Si tu pouvais tuer l'épervier, le ferais-tu ?
    Les yeux de Gersende balayèrent ceux, fermés, de Mathieu. Dans ce sommeil léthargique il semblait en paix. Il souriait même.
    — Si c'était possible, oui, sans hésiter, finit-elle par répondre.
    — Tu as vu ce qui s'est passé ?
    — Je secouais un drap à notre fenêtre, face aux lices. Mathieu s'offrait au soleil les bras ouverts, un sourire aux lèvres, les yeux fermés. Il ne l'a pas vu venir. Moi si. J'ai tenté de le dévier de toutes les forces de ma pensée, espérant qu'elles trouveraient un écho dans la tienne. Un instant l'épervier a tourné la tête vers moi, comme s'il sentait mon influence mais refusait de l'entendre. J'ai hurlé pour alerter le fauconnier. Mais c'était déjà trop tard. Le cri de Mathieu me résonne encore dans les tympans. Ce fut si rapide ! Avant même qu'il prenne conscience de ce qui se passait, l'oiseau était remonté.
    — Je ne le contrôlais pas, mère. J'étais avec Philippine et Mélusine lorsque c'est arrivé, révéla Algonde.
    Gersende n'en demanda pas davantage. Comprendre ce qui venait de se passer était plus urgent. Ses sourcils se froncèrent sur un souvenir furtif.
    — Avant de dévaler les escaliers, il m'a semblé apercevoir Marthe près des lices. Mais j'étais tant bouleversée que je ne pourrais en jurer.
    — Elle n'a pas ce pouvoir, mère.
    — Alors qui ?
    Algonde ne répondit pas. Tout effrayante que soit cette hypothèse, elle lui ôtait une part de responsabilité. Fallait-il se leurrer

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