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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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mouillées pour la journée, coupa Algonde en lui tendant sa bottine.
    Philippine soupira, plissa le nez, dodelina de la tête pour chasser les relents amers de ce qui venait de se passer puis, finalement, releva ses jupes trempées et lui tendit son mollet en riant.
    — Chambrière, mon amie, auriez-vous oublié ce pour quoi vous êtes née ?
    — Un instant, hélas, se reprit Algonde en baissant les yeux avant d'enfiler la chaussure à son pied.
     
    Elles remontèrent en selle sous un ciel de plus en plus bas. Un éclair zébra un ciel métallique à l'ouest.
    — L'orage est sur la Bâtie, annonça le soldat avant de tourner bride pour s'engager sur le raidillon.
    Quelques pierres se décrochèrent du talus. Algonde les vit rouler jusqu'à elle. Son cheval n'y accorda, lui, pas la moindre importance. Quelques minutes plus tard, dans le pas de celui de Philippine, elle empruntait la route en se disant que Mélusine n'avait peut-être pas d'autre intention après tout que de les lier par le secret.
    Elles n'avaient pas fait un quart de lieue qu'un groupe de cavaliers au galop s'annonça en sens inverse dans un bruit fracassant de sabots. De toute évidence, ils descendaient du castel. Un des gardes jura dans le dos des jouvencelles avant de talonner sa monture pour se précipiter à leur rencontre. Algonde et Philippine échangèrent un regard inquiet avant de le détourner vers l'autre garde qui était arrivé à leur hauteur.
    — Il se passe quelque chose d'anormal, annonça-t-il.
    — Allons, décida Philippine en talonnant son cheval.
    Les sens en alerte, Algonde l'imita, oubliant qu'elle ne s'était pas jusque-là essayée au trot. Rattrapé par le soldat, le groupe s'était immobilisé au mitan du chemin. Dumas et le baron en tête. Algonde reconnut le fauconnier à leurs côtés et son cœur se serra. Elle chercha Mathieu. Ne le trouva pas parmi eux. Cette sensation, furtive, glaciale en ses veines. Elle tira sur le mors en même temps que Philippine et leurs montures piétinèrent devant les autres. Le soldat achevait de narrer au baron l'épisode de l'épervier.
    — Tu n'as pas de mal ? s'enquit aussitôt Jacques en levant sur sa fille un visage défait.
    — Rien, père. Mais vous ? Est-il arrivé malheur au château ?
    Jacques de Sassenage se tourna aussitôt vers Algonde, mais déjà elle savait. Elle savait aux regards gênés des nouveaux compagnons de son aimé qui se détournaient des siens alors qu'elle fouillait leurs rangs.
    — C'est Mathieu, Algonde.
    Des larmes se mirent à couler sur ses joues tandis que Philippine étouffait un petit cri derrière ses mains.
    — Nous l'avons trouvé dans les lices où il s'entraînait. Seul.
    — J'ai vu l'épervier piquer sur lui, mais j'étais trop loin, je n'ai rien pu faire, ajouta le fauconnier.
    Elle se mit à trembler convulsivement. Ce silence autour d'elle et ces mots figés dans sa gorge. Philippine les prononça pour elle :
    — Est-il… ?
    — Non. Grâce à Dieu, il en a réchappé, mais je crains que sa carrière en nos rangs ne soit terminée avant d'avoir commencé…
     

34
    Était-elle soulagée par les derniers mots du baron ? Dans sa détresse, Algonde était incapable de l'envisager. Et puis dans cette chambre où on avait transporté le jouvenceau, en plus des lamentations de Jean, il y avait le regard de Gersende qu'elle sentait peser sur ses épaules, lourd d'incompréhension et de reproche. Sa mère savait qu'à travers le rapace, c'était elle la coupable. Pourrait-elle comprendre ce qu'elle-même refusait d'admettre ? Ce que lui criait son cœur comme une injure ? Elle s'était trompée. Elle pensait protéger Mathieu de lui-même quand le seul véritable danger pour lui, c'était elle. Elle seule.
    Elle serra plus fort la main valide du jouvenceau dans la sienne. Il dormait, abruti par les médecines de la sorcière qu'on avait aussitôt envoyé quérir. Algonde, à son chevet depuis qu'elle avait talonné sa monture pour regagner au plus vite le château, était incapable d'un sanglot, incapable de détourner les yeux de ce bandage rougi déjà qui lui recouvrait l'œil droit. Elle demeurait figée, comme si le temps pouvait se suspendre jusqu'à régresser. Si seulement elle en avait le pouvoir. Si seulement elle pouvait tout changer. Mais il se contenta de passer, inexorablement, sur son promis défiguré.
    — Les entailles sont profondes. L'arcade sourcilière cicatrisera, mais je crains que l'œil

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