Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
devoir, celui de ramener une fille salie et humiliée à son père. Avec ou sans votre consentement.
    — Pour lui transmettre vos manières sans doute, ricana l'abbesse.
    — Mes manières valent mieux que les vôtres, si j'en juge par l'état dans lequel Philippine se trouve !
    L'abbesse serra les mâchoires sur l'envie de jeter hors de l'abbaye cette impertinente. Ses poings se serrèrent sur le plateau de chêne.
    — Le baron réclame des explications concernant les faits, je vais vous les donner, grinça-t-elle. D'ailleurs, vous avez vu vous-même l'une des victimes de l'inconséquence de votre cousine, messire Laurent de Beaumont, que vous avez dédaigné de saluer.
    — Il dormait, allégua Sidonie, haussant les épaules.
    Si c'était là toute la morve de l'abbesse, elle avait de quoi la moucher.
    — Admettons, lui accorda celle-ci. Vous direz de même pour le sire de Montoison, qui se meurt à côté sans doute.
    — Philibert de Montoison ? s'étonna Sidonie.
    Son trouble apparut si nettement à l'abbesse qu'elle se demanda si la réponse à l'énigme qu'elles se posaient tantôt avec Albrante n'était pas dans les manigances de cette perverse.
    — L'attendiez-vous, pour en être aussi affectée ? demanda-t-elle d'une voix de fausset qui fit recouvrer instantanément à Sidonie sa maîtrise.
    — Nos pères s'appréciaient, mais il y a fort longtemps que je ne l'ai vu, répondit Sidonie, s'abstenant d'ajouter que la dernière fois elle avait les jambes enroulées autour de sa taille et se réjouissait du mouvement de va-et-vient qu'il y promenait.
    — Je doute que vous le reconnaissiez, enchaîna l'abbesse, comprenant qu'elle ne tirerait pas d'autre confidence.
    — Que reprochez-vous à Philippine au juste ? D'être belle et candide au point d'avoir généré une tuerie ? Il vous faut vous être bien détachée du monde, révérende mère, pour ne pas savoir que les hommes sont ainsi faits à se chercher querelle sans cesse.
    — Et vous bien dévoyée pour accrocher leurs hommages à votre cou tel un collier…
    Sidonie partit d'un rire léger qu'elle brisa net en se levant d'un bond :
    — Ce que je porte en sautoir ne vous concerne pas, et je vous conseille fortement de ranger vos sarcasmes. Avant longtemps je serai mariée, et il se pourrait bien que votre figure de carême m'indispose assez pour que je demande à Jacques d'intervenir auprès du roi pour vous ôter la charge de cette communauté. Suis-je assez claire ?
    La rage empourpra le visage fané de l'abbesse. Prenant appui de ses mains sur les accoudoirs de son fauteuil, elle se redressa à la hauteur du visage de Sidonie.
    — Jamais Jacques de Sassenage ne vous épousera, jamais, éructa-t-elle.
    — Et qui l'en empêcherait ?
    — Moi, je l'en empêcherai…
    — Avec trois Pater et deux Ave ? À moins que vous ne lui mettiez sous le nez votre pitoyable secret ? la brava Sidonie.
    L'abbesse blêmit tant à ces mots que Sidonie éclata d'un rire carnassier :
    — Vous avez pu tromper les filles et le mari, mais pas moi. Souvenez-vous, j'étais là lorsque vous avez enterré la dame de Sassenage, votre chère protégée, une sainte femme…
    — Taisez-vous, fille du diable ! Je vous interdis de souiller sa mémoire, glapit l'abbesse, certaine que Sidonie feintait.
    Les moniales présentes alors avaient toutes prêté serment de silence devant Dieu. Aucune n'aurait parlé.
    — Sa mémoire… Le terme est bien choisi, car c'est de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas ? D'un corps sans âme, sans souvenirs, sans raison, que vous gardez enfermé comme une relique au dernier étage de cette tour.
    Sidonie acheva sa tirade par une grimace de dégoût devant le triste spectacle de la décomposition de la religieuse. Dès les premiers mots de son adversaire, l'abbesse s'était effondrée dans son fauteuil, la poitrine barrée d'une douleur sourde. Sidonie refusa de se laisser attendrir.
    — Osez donc, dit-elle encore, osez donc avouer au baron Jacques que son épouse chérie et tant pleurée est toujours en vie, mais tant marquée par ses blessures qu'elle ne le reconnaîtrait pas si elle le croisait. Osez dire que vous avez menti devant les siens ! Et pire, que vous avez fait bénir un cercueil empli de terre ! Et pourquoi donc, mon Dieu ? Parce que vous n'avez pas eu le courage de vous séparer de cette femme que vous aimiez ? Et vous osez me juger ? Juger Philippine ? Notre-Seigneur tout-puissant me

Weitere Kostenlose Bücher