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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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devrez rester alité jusqu'à la prochaine, le temps que les humeurs vous quittent tout à fait.
    N'attendant pas de réponse, elle lui tourna le dos et s'approcha de Gersende.
    — Vaquez à vos occupations. Je veille.
    — Au moindre souci…
    — Il n'y en aura pas, assura la sorcière dans un sourire édenté.
    Gersende hocha la tête avant de rejoindre sa fille.
    — Suis-moi et prends une chandelle.
    La jouvencelle lui emboîta le pas. L'air grave qu'affichait sa mère ne lui plaisait pas. Gersende gravit les marches, passa dans le donjon et s'arrêta devant la porte de la chambre maudite pour en vérifier les scellés.
    — Que se passe-t-il, mère ? Pourquoi sommes-nous là ?
    — Je crois que l'heure est venue de te révéler mon secret, répondit l'intendante en sortant de sa poche la clef, ramassée sous le lit du baron.
    Elle la tourna dans la serrure. Grinçant sur ses gonds rouillés, la porte s'ouvrit et Gersende s'effaça pour laisser la jouvencelle la précéder et en trouer l'obscurité.
     

9
    Bien que Laurent de Beaumont ait repris des couleurs et de la vigueur en ce 10 août 1483, Philippine de Sassenage ne parvenait pas à se départir d'un profond sentiment de culpabilité. Munie de son remède, elle s'approcha du jeune seigneur, redressé contre son oreiller.
    — Philippine, chère Philippine, l'accueillit celui-ci.
    — Je vous ai demandé de m'appeler Hélène, gronda la jouvencelle en lui tendant le gobelet.
    Il le vida d'un trait avant de le lui restituer, docile et l'œil tendre. Philippine appliqua, comme le lui avait appris sœur Albrante, sa main au front du malade. Elle se sentit soulagée. Ce matin, sa température était tombée.
    — Vous vous remettez chaque jour davantage, se réjouit-elle.
    — Grâce à vos bons soins, ma mie.
    Il lui prit la main et la porta à ses lèvres. Gênée, Philippine se dégagea avec fermeté.
    — Cette potion est amère, désirez-vous un peu d'eau pour la faire couler ? demanda-t-elle, espérant ramener leur échange à moins de futilité.
    — C'est vous seule que je désire…
    — Là donc, mon neveu, en voilà des manières !
    Philippine se tourna avec soulagement vers l'arrivante. Sœur Aymonette venait de franchir le seuil, escortée de sœur Albrante.
    — Me reprocherez-vous d'être vivant, ma tante ? se défendit Laurent de Beaumont.
    — Osez encore pareil langage et je me chargerai moi-même de vous achever, gronda la préchantresse comme Philippine s'éloignait vers le fond de la pièce après l'avoir gratifiée d'un sourire reconnaissant.
    Le souffle régulier de Philibert de Montoison, qu'on avait déplacé pour plus de discrétion, l'accueillit derrière la tenture qu'elle venait d'écarter. Elle s'approcha de lui, contrainte à la même inquiétude, au même dégoût. L'inconscience dans laquelle il s'abîmait le faisait ressembler à un gisant et le rendait effrayant. Rongé de barbe, blafard, le chevalier s'était émacié malgré les soins constants qu'on lui prodiguait. De surcroît, l'endroit puait l'urine. Cette fois encore, elle en fut incommodée au point qu'un spasme lui tordit la glotte. Pour l'apaiser, elle repassa la courtine. Adossée à un pilier, elle fouilla la petite bourse qui pendait à sa ceinture et plaqua contre ses narines un morceau de toile imprégné de liqueur de menthe. Le rire de Laurent de Beaumont lui parvint. Comment arrivait-il à se montrer si léger et insouciant alors que la camarde lui avait caressé l'échiné et rôdait encore si près ? Cela restait pour elle un mystère. Il se montrait empressé auprès d'elle et elle ne savait plus quoi faire pour s'en garder, n'osant le repousser totalement pour ne pas gâter sa guérison. À tout prendre, elle eût mieux aimé encore retourner dans sa cellule, ne rien voir, ne rien savoir. Philippine de Sassenage se découvrait lâche devant Dieu. Devant les hommes. Même si elle s'appliquait à montrer le contraire. Certes, elle mangeait. Sœur Albrante n'aurait pas permis qu'il en fût autrement. Mais c'était sans appétit et les viscères lourds. Certes, elle dormait. Mais c'était d'un sommeil troublé, l'esprit embrouillé de cauchemars. Veiller Philibert de Montoison lui retournait les sens. Sans compter qu'il y avait la chose. Rabougrie et inerte, puante et molle. Écœurante. Elle en avait découvert l'existence au lendemain de son arrivée, quand l'infirmière lui avait demandé de se détourner : « Le temps que je place

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