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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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grand désarroi de la grande prêtresse, à peine les trois sœurs eurent-elles quitté Avalon que la grande prophétesse de l'île lisait dans les runes que rien ne serait comme elle l'espérait.
     
    — « Le pouvoir des trois, du mal triomphera, et l'enfant né velu d'Hélène et d'un prince d'Anatolie, les Hautes Terres conquerra », énonça Algonde dans le silence de la chambre maudite, face à cette lune ronde qui lui souriait, complice.
    Un épervier se mit à tournoyer en contre-jour avant de gagner la cime d'un arbre.
    Grâce à la dernière révélation de Gersende, tout prenait un sens désormais.
     
    — Je ne saurais te dire comment les trois sœurs apprirent la prophétie, avait poursuivi Gersende, mais elle leur donna le courage d'affronter leur destin. J'ignore ce qu'il advint de Plantine, mais Mélusine s'éprit de Raymondin, reproduisit l'erreur de sa mère et, comme elle, fut condamnée à l'exil par son époux après l'avoir doté d'une solide descendance. Mélior, à l'inverse, refusa de survivre à l'homme qu'elle aimait. Elle n'eut de cesse de chercher le moyen de se libérer elle-même en perdant son immortalité. Elle y parvint en offrant les yeux de son amant en sacrifice à son épervier. Elle demeura près de l'aveugle jusqu'à ce que la vieillesse les gagne tous deux et les emporte côte à côte. Elle ne pouvait pour autant abandonner ses sœurs. La prophétie elle-même tendait à prouver que son pouvoir devait lui survivre. Avant de mourir, elle eut une vision qu'elle confia à sa fille, hélas mortelle, la chargeant d'avertir Mélusine puis de transmettre de génération en génération qu'une de sa descendance naîtrait pour la remplacer, à qui l'épervier obéirait et qui ressemblerait trait pour trait aux triplées… Toi, Algonde. Je l'ai craint lorsque l'épervier a plongé sur ton père, le lendemain du jour où tu l'as surpris en train de me battre sauvagement, je l'ai compris lorsque Mélusine t'a sauvée… Nous en avons à présent la preuve avec ce portrait.
     
    Algonde bâilla devant la croisée. Détaché de la cime d'un arbre, un épervier piqua vers le sol pour saisir une proie invisible. Était-il celui de Mélior ? Celui-là même qui avait provoqué la mort de son père ? Était-elle vraiment responsable de ce qui était arrivé ? Elle ne parvenait pas à se sentir coupable. Comment savoir ? Il y avait tant de choses qu'elle ignorait encore sur elle-même, sur ce qui l'attendait. Si seulement Mathieu pouvait y être associé. Le cri insistant et indéchiffrable du rapace retentit dans la nuit, alors que, les ailes à demi déployées, il planait en lisière de la forêt dans un long vol glissé. Les paupières lourdes, Algonde quitta la chambre en ayant soin de la refermer à clef.
    Tôt ou tard, les réponses viendraient.
     

13
    Debout sur le palier, Jacques de Sassenage leva les yeux vers la volée de marches. L'envie de grimper à l'étage de Mélusine le tenait depuis le réveil, mais, entendant qu'on s'y activait déjà, il hésitait, cherchant une véritable raison de s'y rendre. Arguer de curiosité aurait été donner trop d'importance à une légende à laquelle son scepticisme refusait de croire. Il tapota du pied sur la marche. Avait-il besoin d'une excuse ? Il était le seigneur. Tout-puissant sur ses terres. Alors quoi ? Il releva le genou, le trouva pesant, et le souvenir de son cauchemar de la nuit le rattrapa.
    Il s'était vu de nouveau dans la chambre autrefois condamnée, les jambes pareillement collées l'une à l'autre, recouvertes d'une écaille luisante, face au portrait sur le manteau de la cheminée. Mélusine… ou Algonde ? La ressemblance avec la fille de son intendante était telle qu'il s'était éveillé tandis que le poursuivait un rire caverneux dont il aurait pu jurer qu'il provenait de derrière les murs.
    Un rai de lumière filtrait à la croisée des tentures de son lit. Il avait agité la clochette pour faire venir Algonde à son chevet. La jouvencelle, avenante comme à son habitude, lui avait souhaité le bonjour après avoir relevé les rideaux.
    Lorsqu'elle s'était plantée en bout de lit pour lui demander s'il souhaitait qu'elle lui fît porter son matinel dans sa couche ou à côté, sur la table, il s'était adossé à ses oreillers.
    — Je vais me lever, avait-il décidé, après l'avoir fixée un long moment en silence.
    Il avait remarqué en homme de goût qu'elle s'affinait au fil de ses visites.

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