Le Chant des sorcières tome 1
morte dès lors que son époux serait défunt. Elle promit aussi de ne pas enfanter.
— Elle n'a pas tenu parole, apparemment, avait commenté Algonde en se tournant de nouveau vers le portrait, avide de savoir en quoi toute cette histoire, pour passionnante qu'elle soit, la concernait.
— En effet, avait repris Gersende dans un soupir. Car c'est ici que commence notre lignée.
Algonde avait sursauté.
— Notre lignée… avait-elle répété, incrédule.
Gersende avait caressé d'une main affectueuse la joue de sa fille, un triste sourire aux lèvres.
— Et cette prophétie qui y est rattachée et dont, j'en suis certaine, Mélusine t'a parlé.
Algonde avait hoché la tête, l'invitant du regard à poursuivre son récit.
— Les premières années de ce mariage contre nature furent heureuses. Tant que la fée en oublia son serment et s'abandonna à cette existence que nourrissait son émerveillement pour le monde des humains. L'amour qu'elle éprouvait pour Elinas était si intense qu'elle lui offrit les enfants qu'il espérait, certaine qu'il respecterait sa promesse de ne pas chercher à la voir pendant ses couches. Cette nuit-là, elle donna naissance à des triplées : Mélusine, Mélior et Plantine, au plus haut degré de la tour où elle avait coutume de se retirer pour se laisser aller à sa nature de fée. Perturbée par la douleur de l'enfantement, elle oublia de boucler sa porte. L'entendant hurler, Elinas força l'entrée et la découvrit entourée de lumière bleutée et d'elfes venus l'assister. Loin d'en être émerveillé, il s'imagina dupé par la grande prêtresse.
— Pourquoi ? avait demandé Algonde de plus en plus fascinée.
— Certain que son peuple en tirerait bienfait, Elinas avait autorisé les prêtresses à étendre leur pouvoir en Écosse. La seule condition qu'il y avait mise était que leur sang ne se mêle jamais, car il voulait éviter de se retrouver un jour sous la domination d'Avalon. Il crut que Présine avait été chargée par la grande prêtresse de pervertir sa lignée pour s'en assurer le contrôle.
— Qu'advint-il de Présine ?
— La colère du roi la renvoya en Avalon avec ses filles, sans qu'il accepte seulement d'entendre ses raisons. C'est ainsi que l'Écosse se vit privée de l'influence d'Avalon. Et que la grande prêtresse garda à Présine une rancune tenace refoulée par le respect qu'elle devait à Merlin.
— Or donc, Mélusine et ses sœurs étaient de sang mêlé… Quelle place pouvaient-elles avoir en Avalon ?
— Aucune en vérité, car, comme l'avait craint Merlin, bien qu'immortelles, elles était trop différentes des autres. Et d'autant plus qu'on leur cacha la vérité sur leur naissance. Elles finirent par l'apprendre alors qu'elles abordaient leur quinzième année, d'un des elfes qui y avaient assisté. Réalisant tout ce dont leur père les avait privées, elles décidèrent de le punir. Au fil des ans, elles s'étaient découvert des pouvoirs magiques complémentaires qu'elles unirent : Mélusine pouvait nager comme un serpent de mer des heures durant, Mélior possédait un épervier qui donnait corps à ses rêves les nuits de pleine lune, quant à Plantine, outre la faculté de changer d'apparence comme sa mère, l'or qu'elle convoitait disparaissait pour réapparaître près d'elle. Jusque-là, en Avalon, elles n'avaient guère eu le loisir d'utiliser ces pouvoirs. Ce fut Mélusine qui parvint à situer le royaume de leur père. Mélior y envoya son épervier. Elinas fut capturé et enfermé au cœur de la montagne de Brumbloremmlion, tandis que Plantine s'appropriait le trésor du royaume. Évidemment, la disparition du roi parvint jusqu'aux oreilles de Présine, qui n'avait jamais pu ni lui en vouloir ni l'oublier. Subodorant la vérité, elle convoqua ses filles et tenta de leur faire révéler l'endroit où elles détenaient Elinas prisonnier. Elles ne surent que se moquer de la sensiblerie de leur mère. Furieuse et désespérée, Présine les châtia en faisant de leurs pouvoirs des tares. Mélusine se vit affublée d'une queue de serpent tous les samedis et condamnée à errer par les chemins. Mélior fut enfermée dans un château d'Arménie sous la garde de son épervier. La dernière, Plantine, fut emmurée en Aragon avec le trésor de son père qu'elle dut faire prospérer. La grande prêtresse, quant à elle, exigea qu'elles restent captives de cette malédiction à jamais. Ainsi fut fait. Mais au
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