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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Pour le reste, faut pas me demander de gâter le métier. J'y gagnerais ma fortune mais y perdrais ma renommée.
    Jacques de Sassenage hocha la tête, résigné.
    — Cela vous honore. Qu'il en soit donc ainsi. J'ai une faveur encore à vous demander.
    Maître Dreux courba la tête, son sourire retrouvé. Du moment qu'on le laissait travailler à sa manière, il pouvait bien satisfaire à tout ce qu'on voudrait.
    Le baron s'assura d'un regard qu'on ne pouvait les entendre, et, s'approchant de lui, baissa le ton :
    — J'ai à faire dans votre bureau.
    — Vous ne pensez pas ce que je crois que vous pensez, bredouilla le maître d'œuvre.
    — Plus encore que vous ne croyez, lui assura le baron, l'air si décidé que maître Dreux en frémit de la tête aux pieds.
    — J'ai promis à dame Sidonie, argua-t-il.
    — Je n'ai pas l'intention de lui en parler.
    Cette affirmation ragaillardit un peu le bonhomme. Sa curiosité naturelle prit le dessus.
    — Soit, décida-t-il en sortant une clef de sa poche.
    Quelques minutes plus tard, dans le réduit sombre du passage secret, ils descendaient l'un derrière l'autre l'escalier à la lueur de la lanterne que maître Dreux avait allumée.
     
    La sensation était pire que tout ce qu'Algonde aurait pu imaginer. Plusieurs nuits durant, le souvenir de sa noyade l'avait éveillée sur sa couche en sueur, oppressée. De nouveau, c'était une réalité. Elle aurait voulu perdre conscience dès lors qu'elle s'était sentie entraînée en arrière dans l'eau glacée, voire mourir sur l'instant, mais étonnamment, bien que ses poumons lui semblassent vides, elle vivait. Elle était en apnée. Une apnée qui durait au-delà du concevable alors que Mélusine l'entraînait plus profondément de seconde en seconde par des boyaux dont parfois, au passage, elle sentait les aspérités sur ses membres ballottés. La douleur dans sa poitrine avait été brève mais fulgurante. Il lui en restait la certitude d'une transformation physiologique. Sans doute celle qui permettait ce prodige. Par instants, elle se prenait à inspirer par réflexe, paniquait de sentir sa respiration bloquée, s'agitait puis se calmait à la voix apaisante de Mélusine qui, la tenant étroitement serrée contre elle, lui assurait qu'elle ne courait aucun danger. Algonde se concentrait alors sur les mouvements de queue qu'elle sentait battre contre ses mollets et tentait de se rassurer : elle devait faire confiance à la fée. Elle finit par s'abandonner, faire corps avec elle et ouvrir les yeux. Sa surprise fut telle qu'elle en oublia aussitôt tout le reste. Loin de la noirceur qui l'avait précédemment avalée dans le puits, elle découvrit le lit d'une rivière profonde qu'habitait un monde insoupçonné d'algues et de poissons. Ces derniers fuyaient en banc ou s'éparpillaient vivement devant elles. Évitant les rochers, Mélusine remonta le courant, à peine embarrassée de sa charge, avant de piquer de nouveau dans l'ombre d'un boyau, si resserré qu'Algonde eut l'impression qu'elles y resteraient coincées. Au bout d'un temps qui parut à la jouvencelle une éternité, un coup de reins les ramena vers une trouée de lumière. Elles crevèrent la surface d'un lac dans une grotte souterraine emplie de dentelles de calcaire.
    Algonde ouvrit la bouche par réflexe. À sa grande surprise l'air s'y engouffra aussitôt, brûla sa trachée et ses bronches avant de s'emparer de ses poumons comme s'il voulait les faire éclater. Elle se mit à tousser, foudroyée une nouvelle fois par la douleur à l'endroit de la morsure. Mélusine, qui la tenait toujours enlacée, lui appliqua sa main sur la bouche et lui pinça le nez. Algonde se trouva de nouveau en apnée, mais cette fois son corps ne voulait plus le supporter. Elle se débattit, cherchant l'air qui lui avait manqué.
    Sans la lâcher, Mélusine ôta sa paume. Algonde en perçut l'odeur marine. Elle respirait de nouveau normalement. La nausée la prit pourtant. Elle n'eut pas le temps de s'en inquiéter qu'un martèlement de pas ébranla le silence de la salle, amplifié par l'écho.
    — Viens, chuchota Mélusine à son oreille. Il faut nous cacher.
    Algonde nagea dans son sillage jusqu'à l'abri d'un monticule de rochers baignés d'obscurité.
    — Nous y voilà, messire, indiqua maître Dreux en balayant de sa lanterne l'arche naturelle qui rattachait le boyau des carriers à la salle souterraine.
    Jacques s'y engouffra sans hésiter. Baigné de la

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