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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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assurée du contraire, Marthe ressent toutes celles qui m'approchent comme un danger suffisant pour la renvoyer à sa condition première. Sa froideur est le reflet de sa crainte. »
    Cette nouvelle preuve de la grandeur d'âme de Sidonie n'avait pas apaisé son sentiment. Philippine ne parvenait pas, elle, à se faire à ce laideron.
    Elles étaient ainsi arrivées aux portes de Sassenage, où l'attaque de l'épervier, aussi soudaine qu'incompréhensible, avait définitivement achevé de forger l'opinion détestable de Philippine sur Marthe. A peine les cris de l'oiseau avaient-ils retenti, mêlés à ceux des soldats, que la chambrière avait resserré ses doigts aux ongles longs et crochus et, la bouche sifflante, avait, de ces serres improvisées, balayé l'air au-dessus de sa tête.
    Croyant qu'elle mimait le manège du rapace, Sidonie avait ri. Marthe s'était aussitôt ratatinée sur son siège, la tête basse. Si elle avait de nouveau adopté une attitude normale, Philippine avait pu constater d'un œil de biais que ses mains avaient conservé leur crispation jusqu'à ce que les trilles de l'oiseau s'éloignent et qu'elles en soient délivrées. La voiture avait repris son ballant au pas des chevaux et, malgré le souvenir cuisant de son arrivée décoiffée à la Bâtie, Philippine avait penché sa tête à la portière. Au-devant d'eux, un vilain escorté d'une jouvencelle, les jupons relevés sur ses mollets, une tresse châtaine tressautant sur ses reins, avait passé le pont-levis à la course. Leur impatience à découvrir son visage avait un peu apaisé Philippine, que la vision austère du château fort avait ramenée à celui dans lequel s'était installée l'abbaye de Saint-Just. Elle chassa l'idée d'en être prisonnière sous les impertinences et les étrangetés répétées de Marthe en découvrant la silhouette altière de son père qui l'attendait.
    À peine la voiture s'arrêta-t-elle devant l'escalier droit qui montait au château qu'elle s'en arracha pour se jeter dans ses bras.
    — Que te voilà transformée, ma Philippine ! s'exclama le baron en lui baisant la joue tandis qu'à contrecœur elle s'écartait de lui.
    De fait, elle l'était, dans la soie de sa robe bleue gouttée, la tête coiffée d'un hennin qui en reprenait la teinte et mettait en valeur la finesse de ses traits. Le baron était plus ému qu'il ne s'y attendait. Un instant même il avait cru enlacer sa mère au même âge.
    — Le mérite en revient à ma cousine, père. C'est elle qui m'a mise en beauté.
    — N'en croyez rien, Jacques. Votre fille a le goût sûr des Sassenage, lança Sidonie gaiement, en s'avançant à son tour.
    — Le temps me tardait de vous, ma mie. Mais me voilà comblé par les deux plus belles dames du royaume.
    — Il faut toujours que vous exagériez, Jacques, se moqua Sidonie en pressant la main qu'il lui tendait, mais nous vous pardonnons bien volontiers, n'est-ce pas, Hélène ?
    — Oh oui, père, bien volontiers, confirma Philippine en se tournant de côté pour l'embrasser de nouveau.
    Son regard accrocha alors la silhouette des deux jouvenceaux qu'elle avait vus se hâter. Dans le renfoncement de l'escalier, ils se tenaient l'un derrière l'autre, de manière légèrement décalée pour ne rien perdre de son arrivée. Malgré ses joues rosies par la course, la jouvencelle venait de blêmir et un voile de tristesse gâtait ses yeux gris-vert fixés sur Philippine.
    — Hélène… Ai-je bien entendu? demanda le baron, tout aussi troublé.
    — C'est une longue histoire, père, je vous la raconterai, lui promit Philippine après avoir spontanément adressé un sourire à la jouvencelle qui venait de reculer à toucher la chemise de son voisin.
    — C'est inutile. J'avais choisi ce prénom à ta naissance, mais ta mère a réussi à m'en dissuader. Elle préférait Philippine et, tu le sais, je n'ai jamais rien pu lui refuser.
    — Mère devait avoir des regrets puisqu'elle a demandé à sœur Albrante de me le rendre. C'était à ses dires son dernier souhait. Me permettez-vous de l'honorer ?
    Le baron hocha les épaules, ému par ce cadeau posthume que son épouse lui avait fait. Il se reprit vite sous le regard enveloppant de Sidonie. Elle était son présent et son avenir. Le passé devait rester ce qu'il était.
    — Venez, il me tarde d'entendre ce que vous avez toutes deux à me raconter, décida-t-il en les entraînant par les épaules.
    Trois des malles que n'avait

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