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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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pressentiment lui serra la gorge. Elle devait épouser Mathieu au plus vite. C'était la seule manière pour écarter d'elle les soupçons de la Harpie. Mener une vie normale, effacée, discrète.
    — Là, l'épervier ! s'exclama Mathieu en lui prenant le bras.
    Le cœur d'Algonde s'accéléra dans sa poitrine. Elle suivit la direction du doigt qu'il tendait vers le ciel. Comme il l'avait autrefois fait avec son père, le rapace avait pris la litière pour cible. Les serres en avant et le cri strident, il semblait vouloir en lacérer le toit. La vision limitée par leurs œillères, les mouvements entravés par les bois de la voiture accrochés aux flancs, les chevaux hennissaient de crainte, tandis que le conducteur s'arc-boutait sur la longe pour les faire avancer et que les hommes de l'escorte tournoyaient des bras dans l'espoir de faire fuir le rapace. Peine perdue, celui-ci s'acharnait.
    — As-tu déjà vu pareille chose ?
    Algonde chassa avec force la pensée qui l'avait saisie quelques minutes plus tôt. L'espace d'un instant, plus forte que tout, l'envie que Marthe disparaisse…
    Ne pas se laisser gagner par la peur qu'elle lui inspirait. Penser à Mathieu, à leur étreinte, à la douceur de ses mots au creux de son oreille, à leur plaisir échangé, et s'en nourrir, oui, s'en nourrir comme de la certitude que c'était là sa seule et unique destinée. Elle s'adossa à son torse pour retrouver l'odeur de pain tiède qu'il dégageait.
    Abandonnant sa cible aussi soudainement qu'il l'avait attaquée, l'épervier remonta pour disparaître dans l'ombre des falaises du Vercors. Un des soldats, Dumas sans doute, passa devant pour aider le voiturier à calmer les chevaux.
    — Rentrons, décida Algonde.
    — Es-tu si pressée de revoir cette garce ? se moqua Mathieu en lui emboîtant le pas qu'elle avait repris, rapide, pour longer les fortifications du château.
    — Ne dis pas de sottises. Tu voulais que notre retour passe inaperçu. L'arrivée de Sidonie nous en fournit l'occasion.
    — Tu as raison, dit-il en lui prenant la main.
    Algonde la pressa dans la sienne. La muraille les baignait d'ombre. Il l'attira à lui. Elle s'abandonna au baiser qu'il lui donna, fougueux, intense. Et apaisant à la fois.
    — Hâtons-nous vers le pont-levis à présent, comme si la curiosité nous y avait attirés, décida-t-il en s'écartant d'elle à regret.
    Ils partirent en courant et parvinrent dans la cour du château, pareillement essoufflés, les côtes pointées d'une brûlure. Jacques de Sassenage s'y trouvait déjà.
    Quelques minutes plus tard, devancée par Dumas et cernée de ses hommes, la voiture de dame Sidonie s'immobilisait dans la cour intérieure, près de l'escalier où Algonde et Mathieu venaient de se planter, les doigts discrètement noués les uns aux autres.
     

19
    Selon sa détestable habitude, Marthe n'avait cessé de bougonner. Tout lui avait été prétexte à râler. Les cahots du chemin, la chaleur oppressante, les haltes trop longues au point d'eau pour les bêtes, le temps et l'indécence que Philippine et Sidonie mettaient à y tremper leurs chevilles gonflées, quand elle-même se confinait dans la voiture, l'abbaye en quarantaine qui n'avait pu les héberger au soir venu, l'auberge trop bruyante sur laquelle elles s'étaient rabattues au village voisin, fortes de l'escorte de sire Dumas, les filles avenantes et lascives au cou des voyageurs, son souper qui manquait de sel, le vin, d'épices, le lit, d'épaisseur, la couverture rapiécée… Tant de choses nouvelles et excitantes qui avaient ravi Philippine au contraire. Refusant de se les laisser gâcher, elle n'avait cessé de les commenter, s'attirant des regards d'animosité flagrants de la part de la chambrière, qu'elle était seule à remarquer, Sidonie n'y prêtant aucune attention.
    « Elle a son caractère, mais j'y suis attachée, avait expliqué sa cousine. Songe qu'après la mort de mon époux, alors que mon ventre pointait avec audace, elle fut la plus loyale de mes servantes, traquant la moindre médisance. Mes amies me fuyaient pour ne pas être associées à cette naissance qu'on supposait scandaleuse. Bref, rejetée de mes pairs, je sombrai dans une profonde solitude, qu'elle fut seule à distraire. De chambrière, elle fit office de dame de compagnie. Et ce jourd'hui encore en garde un privilège que je n'ai pas cœur de lui ôter. Comprends, mon Hélène, il n'est pas légitime et, bien que je l'aie

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