Le Chant des sorcières tome 1

s'embrasèrent.
    On toqua à la porte. Ils s'écartèrent l'un de l'autre à regret.
    Marthe franchit le seuil, un plateau d'argent à la main surmonté d'un hanap et d'un pichet.
    — Votre cervoise, messire, annonça-t-elle en le posant sur la table avant d'en servir une pleine rasade au baron, comme chaque jour à cette heure.
    — Merci, ma bonne Marthe, dit Sidonie.
    Profitant que le baron leur tournait le dos, un œil glacial, chargé de malsaines promesses, lui répondit. Malgré sa nuit démoniaque, la colère de Marthe à son encontre n'était pas retombée. À la première occasion…
    Sidonie déglutit. Jouer le jeu. Comme si de rien n'était. N'était-elle pas habituée depuis le temps que cela durait ? Elle se reprit.
    — As-tu vu Hélène ? demanda-t-elle.
    — Point encore, ma dame, mais Algonde est montée il y a presque une heure avec son matinel. Elle ne tardera plus.
    — Le chevalier ?
    — Reparti auprès de ses hommes. J'ai promis de l'envoyer quérir dès que damoiselle Hélène serait apprêtée. Avec les préparatifs du mariage, Gersende est débordée.
    — Tu as bien fait. Je compte sur toi pour les assister au mieux, elle et sa fille, dans les jours qui vont suivre. Tu prendras en charge tout ce qui touchera au logement de nos invités et à ma garde-robe, bien entendu.
    Marthe, faussement servile, hocha la tête.
    Il me faudra, pour faire dresser leurs tentes, connaître l'emplacement exact des joutes. Je suppose, mon seigneur, que vous pourrez me l'indiquer.
    Sidonie sursauta. Le baron aussi, qui foudroya la chambrière du regard.
    — Vous avez organisé un tournoi ?
    Jacques reposa avec agacement le hanap qu'il venait de vider.
    — J'ignorais que vous en faisiez mystère à votre dame, quand la maison tout entière le sait, se défendit Marthe, vipère.
    — Ce n'était pas un mystère, mais une surprise. Et ils avaient l'ordre de tenir leur langue, ce qui ne semble pas être votre fort.
    Il soupira.
    — Enfin, puisque le mal est fait, autant, ma mie, que vous sachiez toute la vérité. Enguerrand sera des nôtres.
    Sidonie écarquilla les yeux.
    — Le tournoi est à son intention ?
    — Il me semble qu'il a assez montré sa valeur ces temps derniers.
    Sidonie lui sauta au cou, prise soudain d'une joie puérile.
    — Et vous doutiez encore de ce qui me fait tant vous aimer ! s'exclama-t-elle.
    Malgré son désir de l'étreindre, il garda les bras ballants, gêné de la présence de Marthe dont les yeux s'étaient rétrécis pour mieux les jauger. De le sentir si distant soudain, Sidonie en perçut elle aussi la promiscuité. Elle se reprit aussitôt et s'écarta.
    — Quand arrive-t-il ?
    — Demain ou après-demain au plus tard. J'ai de même fait activer les travaux à la Rochette.
    — Je suis comblée, Jacques, et mon fils le sera aussi tant il vous est attaché, assura-t-elle, émue.
    Le baron lui prit les mains. Se troubla plus encore de les sentir trembler.
    — Je le tiens moi aussi en sincère affection, et ce que vous m'avez appris n'y a rien changé.
    Elle hocha la tête avant de la tourner vers Marthe qui s'était mise à tousser avant de renifler bruyamment.
    — Allons bon, ma pauvre fille, voilà que les miasmes de la sottise vous sortent maintenant par le nez, se moqua le baron qui n'était pas dupe de son manège pour leur gâter le sentiment.
    La Harpie haussa les épaules. Sidonie se montra plus charitable :
    — Buvez donc une gorgée d'eau pour vous adoucir.
    Marthe secoua la tête, renifla encore puis se calma tout à fait. Elle s'éclaircit la voix.
    — Inutile, affirma-t-elle, c'est passé.
    — Tant mieux, vous allez pouvoir nous laisser et attendre qu'on vous appelle pour vous montrer, la cingla le baron.
    Tandis qu'elle sortait, il réalisa qu'il supportait de plus en plus difficilement sa présence permanente. Dès qu'il serait marié, il faudrait qu'il ait avec son épouse une vraie conversation à ce sujet.
    Peu enclin à croire qu'elle les laisserait tranquille, il barra la porte.
    — Est-ce bien raisonnable ? se moqua Sidonie comme il revenait d'un pas décidé vers elle.
    Pour toute réponse, il lui empoigna la taille et l'assit sans vergogne sur la table, à côté du plateau qu'il repoussa énergiquement. Sidonie gloussa tandis qu'il retroussait ses jupons, révélant la nudité de son entrejambe.
    — Jacques, voyons…
    — Plus un mot, ma douce, ou je pourrais m'en fâcher. Je vous veux, là maintenant, et ce