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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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exclamé, à bout d'arguments pour l'infléchir.
    — Rien, je l'avoue. Je suis au contraire flatté de l'intérêt que vous accordez à ma fille, mais je suis de ces pères qui se préoccupent du bonheur de leurs enfants.
    — Iriez-vous jusqu'à la marier à un gueux si elle en était amourachée ?
    — Non point, s'était refermé Jacques, vexé par l'insulte. Mais je veux croire à un hymen qui comblera son cœur autant que sa raison.
    — Vous ne me la donnerez pas…
    — À moins qu'elle ne m'en supplie, jamais.
    Philibert de Montoison avait serré les poings. Face à lui, imperturbables, deux faucons somnolaient sur leurs piquets, emprisonnés par une corde reliée à une de leurs serres par un petit bracelet de fer. D'autres rapaces étaient de même attachés plus loin. Le regard du chevalier avait accroché la masure du fauconnier sous l'ombre de la falaise. L'homme vaquait à quelques pas. L'endroit était mal choisi pour une querelle.
    Sans doute repris par le même constat, le baron s'était tourné pour avancer vers le château. Ils avaient marché un moment côte à côte, en silence, chacun à leurs sombres pensées, puis Philibert avait attaqué de nouveau :
    — Et en ce qui concerne la requête du grand prieur ?
    — Dites à Guy de Blanchefort que nous sommes flattés, mais ce château, comme vous pouvez en juger, n'est, hélas, pas disponible pour ses projets.
    — Vous commettez une erreur, baron…
    Jacques s'était arrêté brusquement pour lui faire face, les sourcils froncés.
    — Des menaces, monsieur de Montoison ?
    Ils s'étaient affrontés du regard. Philibert avait baissé le sien le premier. Par convenance.
    — Il me faut avertir mes supérieurs. Comprenez en conséquence que je ne saurais rester davantage sous votre toit.
    — Je ne vous retiens pas, l'avait éconduit le baron comme ils repassaient dans la cour intérieure.
    La rage au ventre, et la tête lourde d'une méchante migraine, le chevalier n'avait pas jugé bon de le suivre pour saluer Sidonie, qu'on lui avait indiquée fort occupée tout le restant de la journée. Quant à Philippine, puisque c'était de son bon vouloir que tout dépendait, il trouverait bien tôt ou tard le moyen de la faire céder, dût-il pour cela massacrer tous ses rivaux ou pactiser avec la sorcière !
    Cette certitude ne l'avait apaisé en rien. Pour comble, l'orage, aussi violent qu'il l'avait pressenti, avait crevé comme lui et ses hommes franchissaient la herse. Mais Philibert de Montoison aurait préféré être noyé sous son déluge plutôt que de rebrousser chemin et de s'avouer défait.
     

23
    Le lendemain, la longue caravane des artisans et des marchands, venus des quatre coins de la contrée, parvenait enfin au château. Elle s'était immobilisée aux abords, boueux encore. Indifférents à salir leurs souliers, ils avaient sauté à bas de leurs carrioles et s'étaient annoncés tour à tour pour recevoir leurs ordres ou décharger leurs marchandises. Les drapiers orchestrèrent la danse des rayures et des festons destinés aux tentes des invités, tandis que, dès le tantôt, retentissaient dans la forêt alentour les coups répétés des haches sur les jeunes arbres. Il ne fut pas long avant qu'on fasse traîner les troncs par des bœufs jusqu'à la scierie en aval du Furon. Des charpentiers, chargés des tribunes du tournoi ou de l'estrade, investirent l'esplanade, à l'extérieur des murailles, d'un concert de grincements et de martèlements, à mesure que les planches leur arrivaient. Ce branle-bas se retrouvait de même à l'intérieur du donjon. Des marmitons supplémentaires avaient envahi la cuisine, et maître Janisse ne savait plus où donner de la tête ni du tempérament. Il suait à grosses gouttes. Tandis que Gersende faisait rentrer cervoise, vin, légumes, œufs, fruits et épices dans le cellier en sous-sol, quitte à surcharger les étagères et à empiler les tonneaux, lui vérifiait les réserves de bûches pour ses fourneaux, ordonnait qu'on en fende d'autres à bonne dimension, grognait, tempêtait, moulinait des bras, excessif comme à son habitude.
    Dans la salle de réception du château envahie par les couturières, rires et commérages allaient bon train, au rythme des doigts qui mesuraient, découpaient, façonnaient, brodaient, enfilaient les aiguilles puis cousaient les ourlets. À l'étage au-dessus, tout comme Philippine dans sa chambre, Sidonie voyait des coupons de soie joncher la

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