Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
lacet, dans un nuage de poussière grise.
    Djem demeura de longues minutes planté là, abasourdi par cette rencontre, la sueur collée au front et aux cuisses, l'épaule lancinante, avant de tourner bride. Tout lui semblait dérisoire soudain. Il venait d'avoir le cœur foudroyé.

11
    Emportée par le galop qui la ramenait vers l'enceinte sécurisante du château de la Bâtie, Philippine tourna une fois encore la tête en arrière avant de se rendre à l'évidence que le Turc avait cessé de la poursuivre. Elle tira sur le mors pour apaiser la bête tout autant que son propre cœur. Comme son palefroi, elle était en nage. Impossible de se présenter devant ses courtisans dans cette posture masculine qu'elle avait instinctivement adoptée au mépris de sa robe, dès qu'elle avait compris que le prince l'avait repérée dans la forêt. L'entrejambe, pas habitué au frottement de la selle, lui cuisait méchamment.
    Elle s'essuya le front d'un revers de main. Sa coiffe était de travers, ses vêtements chiffonnés et poussiéreux. Face à elle, au sommet de la motte que ceinturait un large fossé sec, les hautes tours du château se dessinaient à moins d'une lieue. Piquées aux sommets des barbacanes, d'immenses bannières claquaient au vent. Le lacet de la route qu'elle s'apprêtait à rejoindre serpentait à flanc de colline, passait sous la herse relevée pour rejoindre la cour intérieure de la vaste demeure octogonale. Comme chaque jour, une foule incessante de charrettes, de mulets et de gens s'annonçait devant les gardes pour assurer ravitaillement et distraction aux gens de la maisonnée. Inutile donc d'espérer passer inaperçue avec une telle mise.
    Philippine quitta le sentier et gagna au pas le couvert des arbres. Les côtes broyées par la posture et la vitesse de sa course, elle avait peine à reprendre son souffle. Elle s'immobilisa sous un hêtre qui offrait une large ramure et voulut mettre pied à terre, gauche dans ses mouvements pour enjamber la selle comme un homme. Empêtrée dans ses jupons, elle glissa, se retrouva suspendue par le talon à l'étrier, les mains agrippées à la longe. Tandis que le cheval, suivant le mouvement involontaire qu'elle imprimait à son mors, tournait sur lui-même, elle finit par se dégager et par choir le derrière sur une pierre, effrayée à l'idée de finir sous ses sabots. Il n'en fut rien pourtant. Au contraire. Pressentant sans doute l'incongruité de la situation, la bête fourragea des lèvres dans son cou, avant d'y frotter ses naseaux, et Philippine se mit à rire, en imaginant la tête de ses prétendants devant pareil spectacle. La peur avait lâché prise. Ne lui restait plus que ce corps moulu et son allure détestable. Elle se releva, s'épousseta et, abandonnant son cheval à sa pâture, se réfugia entre les racines proéminentes du vieil arbre. Le tronc large et noueux était incurvé de l'intérieur, probablement brûlé par une traînée de foudre. La cicatrice ancienne lui offrit un rempart discret pour se rajuster.
    Par intermittence, portées par un vent tiède, les clameurs du château lui parvenaient, chargées du quotidien de ses petites gens et des colporteurs mais aussi du rire gras des gardes, des gloussements de ses dames de compagnie, du verbe haut perché de ses courtisans, les agaçant dans les jardins. La gaieté emplissait le lieu, ramenée par le retour de journées plus longues et d'une nature en éveil. L'insouciance tenait le cœur de tous, sauf de Philippine.
    Relevant son jupon à hauteur de ses joues, elle s'essuya le visage. Elle défroissa de même sa robe malmenée, puis replaça sa coiffe. Pour finir, elle tire-bouchonna une mèche échappée de sa natte contre son oreille. C'était suffisant pour donner l'illusion d'une promenade tranquille. Elle noua ses mains sur ses fesses meurtries et s'adossa au tronc. L'irritation entre ses cuisses était trop cuisante encore pour qu'elle envisage de remonter, même en amazone.
    Au-dessus d'elle, les jeunes feuilles bruissaient sous la brise, masquant par moments avec les gazouillis des moineaux les bruits alentour. Elle ferma les yeux. Comme elle aurait voulu qu'Algonde fût là, à ses côtés, pour partager ses émotions. Philippine soupira. Sa chambrière était si grosse et fatiguée qu'elle ne quittait quasi plus sa chambre. À peine l'aidait-elle à s'habiller le matin. Au dire de la sage-femme qui l'avait examinée, l'enfant qu'elle portait pouvait ne pas voir le

Weitere Kostenlose Bücher