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Le chat botté

Le chat botté

Titel: Le chat botté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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galerie de Valois, mettait en vitrine des crucifix ornés de fleurs de lys.
    Les bourgeois de la garde nationale enrageaient par quartiers. Sur leurs quarante-huit sections parisiennes, réunies en assemblées primaires pour désigner les électeurs, trente-deux déclaraient la Convention traître à ses devoirs. A bas les Deux-Tiers! criait-on. Chassons les derniers jacobins! Falsification ! La plus acharnée car la mieux prise en main par les conspirateurs du roi, la section LePeletier, voulait organiser un comité d’insurrection. Tous les soirs, quittant Buonaparte et sa fantomatique armée d’Italie, Saint-Aubin se dépêchait vers le couvent des Filles-Saint-Thomas et se montait la tête en y écoutant les tribuns rejeter avec véhémence le décret des Deux-Tiers :
    — Il faut tout ou rien ! Changeons tous les députés sinon les anciens qui restent gâteront les nouveaux !
    — Maudits conventionnels! Ce n’est pas le bonheur du peuple qui les occupe!
    — Ils ne pensent qu’à leurs intérêts !
    — Ils veulent continuer leur domination !
    — Qu’ils partent!
    — Nous étions plus heureux sous un roi !
    — C'est aux assemblées primaires de statuer!
    Cette cacophonie durait des heures et ne servait qu’à maintenir un état permanent d’exaltation. Un barbu revêche, l’abbé Brottier, chef de l’Agence royaliste de Paris, voyant le fameux décret fermer à son parti les portes du pouvoir, poussait désormais à l’émeute. Il avait imaginé un slogan très applaudi : « Un roi ou du pain! » que les jeunes gens allaient hurler au Palais-Royal dans les oreilles des indifférents qui préféraient le jeu, les filles et les festins. Le café de Chartres avait rouvert et les muscadins retrouvaient leurs habitudes, écoutés par des mouchards de la police. Sous les marronniers, sous les galeries, les agioteurs n’avaient jamais cessé de proposer de l’or, des pendules, des étoffes ou de la farine, mais ils avaient éclaté en petits groupes très mobiles pour échapper plus facilement aux interventions de la garde.
    Une bande de muscadins protestait en lisant les affiches officielles placardées sur les colonnes des arcades :
    — Quoi ! disait Dussault qui lacérait une affiche avec le bout plombé de sa canne. Quoi ! Deux mille communes auraient accepté le décret des Deux-Tiers ? C'est faux!
    — Nous avons appris tout à l’heure que Stras-bourg l’a rejeté! grondait Davenne.
    — La Convention ment parce qu’elle a peur, disait Saint-Aubin.
    — Partons rosser du député! proposait un muscadin au gilet à fleurs.
    — Par qui commencer ?
    — Certains sont plus fripons que les autres.
    — A qui pensez-vous ?
    — A cette punaise de Tallien.
    — Bravissimo !
    — Courons chez lui.
    — Savez-vous où il loge ?
    — Rue de la Perle, chez son concierge de père.
    — Massacrons le massacreur de Quiberon !
    Ils fendirent la foule des jardins en chantant, mais une fois dans les rues ils marchèrent sans bruit jusqu’à l’immeuble de Tallien.
    — C'est ici, numéro 10.
    — A quel étage ?
    — Hélas je l’ignore.
    — Voilà qui est fâcheux.
    — Pourquoi ? Il n’y a que trois étages et neuf fenêtres, si nous brisons tous les carreaux nous briserons du même coup les siens.
    — Avec quoi ?
    — Ceci.
    Il faisait nuit. Dussault montrait un tas de pierres éboulées d’un muret. Ils ramassèrent deux pierres chacun qu’ils lancèrent contre les vitres. Des éclats de verre retombaient dans la rue.
    — A l’assassin!
    Un gros citoyen venait d’ouvrir sa fenêtre cassée, il saignait du front. Une escouade de grenadiers de la Convention, qui rôdait aux environs du Palais-Royal, attirée par le bruit déboucha rue de la Perle. Le caporal tira son sabre en découvrant les briseurs de vitres, il disposa ses hommes sur la largeur de la chaussée. Baïonnettes pointées, les grenadiers s’apprêtaient à charger lorsque le muscadin au gilet à fleurs sortit un pistolet de sa ceinture, tendit le bras et fit feu à l’aveuglette sur la troupe. Un grenadier reçut la balle dans l’épaule et en lâcha son fusil. Les muscadins profitèrent de la surprise pour s’enfuir à toutes jambes.
    Trois cavaliers en manteaux noirs remontaient la rue du Faubourg-Saint-Antoine. Il passèrent sans y jeter un regard devant la brasserie A l’Hortensia qui appartenait à Santerre, vétéran de la Révolution, où se retrouvaient les jacobins du quartier. Plus loin ils tournèrent sous un

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