Le cheval de Troie
Grèce à ta passion pour une femme insignifiante !
— Patrocle, pourquoi n’as-tu plus confiance en moi ? Pourquoi es-tu à ce point monté contre moi ? Est-ce parce que tu es jaloux de Briséis ?
— Non. Je suis surtout déçu, Achille. Tu n’es pas l’homme que je croyais. Ceci n’a rien à voir avec l’amour. C’est une question de fierté.
Je restai muet car un grand cri s’éleva. Nous nous précipitâmes tous deux vers la palissade et montâmes les marches pour regarder par-dessus. Une colonne de fumée s’élevait dans le ciel ; le navire de Protésilas brûlait. Tout ce qui avait été prévu s’était réalisé. Je pouvais enfin agir. Mais comment dire à Patrocle que c’était lui et non moi, qui devait faire intervenir les soldats de Thessalie ?
Quand nous descendîmes, Patrocle s’agenouilla dans la poussière.
— Achille, les navires vont brûler. Si tu refuses d’agir, alors laisse-moi au moins intervenir avec nos troupes ! Tu as sûrement vu comme ils détestent rester là à ne rien faire, pendant que le reste de la Grèce meurt ! Tu veux le trône de Mycènes ? C’est bien cela ? Tu veux retourner dans un pays qui ne sera plus en état de résister à tes soldats ?
Je serrai les mâchoires et répondis d’un ton calme.
— Je n’ai nulle visée sur le trône d’Agamemnon.
— Alors laisse-moi intervenir avec nos soldats ! Maintenant ! Laisse-moi les conduire jusqu’à nos navires avant qu’Hector ne les brûle tous !
— D’accord. Je comprends ton point de vue, Patrocle. Je te confie le commandement.
Tout en prononçant ces mots, je vis comment le stratagème pourrait fonctionner encore mieux et ajoutai :
— Mais à une seule condition, Patrocle. Que tu portes mon armure et fasses croire aux Troyens que c’est Achille qui vient parmi eux.
— Revêts-la toi-même et viens avec nous.
— Impossible, répliquai-je.
Je l’emmenai donc dans notre dépôt d’armes et lui mis l’armure dorée qui provenait des coffres du roi Minos et que m’avait donnée mon père. Elle était bien trop grande, mais je m’arrangeai pour qu’elle lui allât en faisant se chevaucher les plaques avant et arrière de la cuirasse et en rembourrant le casque. Les cnémides lui remontaient jusqu’aux cuisses, ce qui le protégerait mieux. Oui, pourvu que personne ne s’approchât trop près de lui, il passerait pour Achille. Ulysse considérerait-il qu’en agissant de la sorte j’avais rompu le serment ? Et Agamemnon ? Tant pis s’il en était ainsi. Je ferais tout mon possible pour défendre mon plus vieil ami, mon amant.
Les trompes avaient sonné ; les Myrmidons et les autres Thessaliens furent prêts en si peu de temps que, de toute évidence, ils n’attendaient que le moment de se jeter dans la bataille. Je me rendis avec Patrocle à l’aire de rassemblement, tandis qu’Automédon se précipitait pour atteler mon char ; bien que cela ne fût guère utile à l’intérieur du camp, il fallait que tout le monde vît Achille arriver pour repousser les Troyens. En apercevant l’armure dorée, tous les soldats reconnaîtraient Achille.
Mais que se passait-il ? Les hommes m’acclamaient avec des hourras assourdissants, me regardaient avec le même amour qu’ils m’avaient toujours témoigné. Comment cela était-il possible, alors que même Patrocle s’était détourné de moi ? Je me protégeai les yeux pour voir où était le soleil. Il n’était pas très haut au-dessus de l’horizon. Bon ! La supercherie n’aurait pas besoin de durer longtemps, et Patrocle s’en tirerait fort bien.
Automédon était prêt. Patrocle monta dans le char.
— Cher cousin, dis-je en posant ma main sur son bras, contente-toi de chasser Hector du camp. Quoi que tu fasses, ne le poursuis pas dans la plaine. Tu as bien compris ?
— Parfaitement.
Automédon donna aux chevaux le signal du départ d’un claquement de langue et prit la direction de la porte située entre notre palissade et le camp principal, tandis que je montai sur le toit du cantonnement pour regarder.
Le combat faisait rage devant la première rangée de navires et Hector paraissait invincible. En un instant, la situation changea, quand quinze mille soldats frais, venus du côté du Scamandre et dirigés par un homme en armure dorée, debout sur un char doré tiré par trois chevaux blancs, attaquèrent les Troyens.
— Achille ! Achille !
Dans les deux camps on criait mon
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