Le cheval de Troie
l’animal, l’examinant en détail, essayant d’en décrypter les symboles, m’émerveillant de la qualité du travail. Il se trouvait exactement à mi-chemin entre la plage et la cité. Mais d’où était-il donc venu ? Si les Grecs l’avaient fabriqué, nous l’aurions vu se construire. Ce devait être un cadeau de la déesse, j’en étais convaincu.
Laocoon avait envoyé quelques-uns des gardes royaux jusqu’au camp grec pour l’inspecter. J’étais encore en train de tourner autour du cheval quand surgirent deux gardes dans un char à quatre roues. Un homme se trouvait entre eux. Ils mirent pied à terre et l’aidèrent à descendre. Ses bras et ses jambes étaient enchaînés, il était en haillons et horriblement sale.
— Seigneur, nous avons trouvé cet individu qui rôdait dans l’une des maisons du camp, dit le plus âgé des gardes en mettant un genou à terre. Comme tu le vois, il était enchaîné. On l’a fouetté il y a très peu de temps. Au moment de sa capture, il nous a implorés de l’épargner et nous a suppliés de le conduire auprès du roi de Troie pour lui communiquer des informations.
— Parle, je suis le roi de Troie, dis-je.
L’homme passa sa langue sur ses lèvres, fit entendre quelques sons rauques et demeura sans voix. Un garde lui donna de l’eau qu’il but avec avidité. Il me salua.
— Merci pour ta bonté, seigneur.
— Qui es-tu ? demanda Déiphobos.
— Je m’appelle Sinon. Je suis originaire d’Argos et je fréquente la Cour du roi Diomède, dont je suis le cousin. Mais j’ai servi dans une unité spéciale que le grand roi de Mycènes a attribuée au roi Ulysse.
Il tituba et les gardes durent le soutenir.
— Soldat, assieds-le sur le bord de ton char.
On me trouva un tabouret et je m’assis en face de lui.
— Te sens-tu mieux, Sinon ?
— Merci, seigneur, j’ai retrouvé assez de force pour continuer.
— Pourquoi ont-ils fouetté et enchaîné un noble comme toi ?
— Parce que, seigneur, j’étais au courant du complot ourdi par Ulysse pour se débarrasser du roi Palamède. Apparemment, Palamède aurait offensé Ulysse juste avant que ne commençât notre expédition. Ulysse peut attendre toute une vie l’occasion idéale de se venger, à ce qu’on dit. Dans le cas de Palamède, il s’est contenté d’attendre huit ans. Il y a deux ans, Palamède a été exécuté pour haute trahison. Ulysse a fabriqué de toutes pièces les accusations et la preuve qui ont fait condamner Palamède.
— Pourquoi un Grec conspirerait-il pour faire mettre à mort un autre Grec ? Était-ce à propos d’une rivalité de territoire ?
— Non, seigneur, l’un règne sur des îles à l’ouest de Pélops, l’autre sur un port maritime important de la côte Est. Ulysse en voulait énormément à Palamède, mais j’ignore pourquoi.
— En ce cas, comment t’es-tu trouvé en si fâcheuse posture ? Si Ulysse a su inventer des accusations de trahison contre un roi grec, pourquoi n’en a-t-il pas fait autant pour toi, qui n’es même pas roi ?
— Seigneur, je suis le cousin germain d’un roi plus puissant qu’Ulysse et pour lequel il a de l’affection. J’ai raconté de plus mon histoire à un prêtre de Zeus. Si la mort me frappait, quelle qu’en fût la cause, le prêtre devait intervenir. Je me croyais en sécurité, car Ulysse ne savait pas de quel prêtre il s’agissait.
— Je suppose que le prêtre n’a jamais rien dit, puisque tu n’es pas mort ?
— Non, seigneur, il ne s’agit pas de cela, dit Sinon, en reprenant une gorgée d’eau, l’air un peu moins épuisé. Le temps a passé, Ulysse n’a rien dit ni rien fait, seigneur, et j’ai tout simplement oublié ! Mais, ces derniers temps, l’armée se laissait aller au découragement. Après la mort d’Achille et d’Ajax, Agamemnon a perdu tout espoir d’entrer un jour à Troie. Il a convoqué un conseil et un vote a eu lieu. Les Grecs ont décidé de rentrer chez eux.
— Ils auraient donc délibéré au milieu de l’été !
— Oui, seigneur, mais la flotte n’a pu partir à cause de mauvais présages. Le grand prêtre Talthybios a fini par donner l’explication. Pallas Athéna nous en voulait d’avoir volé son Palladion et faisait souffler des vents contraires. Elle exigeait réparation. Puis ce fut au tour d’Apollon d’exprimer sa colère. Il réclamait un sacrifice humain ! Et je devais en être la victime ! Je n’ai pu
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