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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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avoir beaucoup prié, fait plusieurs retraites et consulté un chanoine de l’abbaye de Sainte-Geneviève, il s’adressa au protecteur de sa famille, l’intendant de la généralité de Paris, Louis Jean Bertier de Sauvigny {2} sous les ordres duquel servait son père. Celui-ci lui attribua un poste de secrétaire dans les bureaux de la généralité, une sinécure qui laissait à son titulaire tout loisir de lire et d’écrire.
    Louis se lance alors à corps perdu dans l’étude de l’administration du royaume. En 1753, il publie un Essai historique sur les différentes situations financières de la France sous le règne de Louis XIVet la régence du duc d’Orléans. L’ouvrage est remarqué et lui vaut plusieurs lettres louangeuses de personnages importants   : le garde des Sceaux, M. de Machault, M. Berthier de Sauvigny, le président Hénault, le marquis de Tanlay et bien d’autres encore lui adressent leurs compliments. À l’un de ses correspondants regrettant qu’il n’ait pas poursuivi son ouvrage jusqu’à la période contemporaine, il répond fort habilement   : « Il est dangereux de traiter ce qui s’est passé dans des temps si voisins des nôtres sans s’écarter de la vérité. J’en serais tombé dans le cas d’en dire d’offensantes ou de me donner pour un écrivain partial et vendu à la flatterie   » Sans passer pour un courtisan ou un flatteur, Louis est parvenu à se créer rapidement un réseau de relations utiles. À quelle carrière   ? Il n’en pas encore la moindre idée. Pour l’instant, il passe pour un homme de lettres érudit, en dépit de son âge encore tendre   : il a vingt-cinq ans. M. de Sauvigny a très vite remarqué son esprit subtil, sa puissance de travail, l’étendue de ses connaissances dans les domaines les plus divers, sa mémoire prodigieuse, sa rapidité d’assimilation des connaissances, sa facilité pour écrire, sans parler de ses talents de bretteur qui sont désormais connus de tout Paris. L’intendant, qui aime recevoir chez lui noblesse d’épée, noblesse de robe, hommes à talents, écrivains et savants, n’a pas hésité à attirer son protégé. Ainsi Louis rencontre-t-il Fréron qui dirige «  L’Année littéraire   » et qui le remarque   : « Il y a un jeune homme appelé Déon qui travaille à un ouvrage sur les finances, écrit-il à son ami d’Hémery. C’est un neveu de feu M. Déon Secrétaire de la Police. C’est Ballard qui l’imprime. Ce jeune homme est assez joli de figure. Il est maigre, est âgé environ de vingt-quatre ou vingt-cinq ans.   » Fréron l’encourage à écrire pour son périodique. Quelques semaines plus tard, il publie un Éloge du comte d’Ons-en-Bray (1753), l’un des protecteurs de sa famille, et l’année suivante un Éloge de Marie d’Esté, duchesse de Penthièvre.
    Ses débuts littéraires vont de pair avec une vie mondaine intense sans pourtant sombrer dans la frivolité et l’intrigue. Il fréquente bientôt le salon de la comtesse de Rochefort dans son appartement du palais du Luxembourg. Cette jeune veuve coquette et séduisante, sans jouer les Célimène, prend plaisir à s’entourer d’une cour d’hommes brillant par leur esprit et leur intelligence. Le marquis de Mirabeau, le duc de Nivernais, le président Hénault sont ses hôtes les plus assidus parmi beaucoup d’autres. Cette aimable société s’occupe des grandes et des petites affaires du temps. On commente les discours de réception à l’Académie française, les nouveaux ouvrages littéraires ou philosophiques, les présentations à la cour, les dernières pièces, les amours des chanteuses de l’Opéra, les énervements du roi de Prusse et les affaires d’Allemagne... Le « petit d’Éon   », comme l’appellent les dames, joue aimablement sa partie. Ses réflexions et ses bons mots plaisent toujours et les plus jolies femmes regrettent son incroyable réserve sans la comprendre. Le badinage est évidemment l’un des passe-temps favoris de ce petit monde. On s’écrit   ; on file la métaphore   ; on fuit la passion   ; on pare du voile de l’amitié d’autres sentiments. On ne s’ennuie jamais, car on a trop peur de s’ennuyer. Mme de Rochefort se pique de toucher le cœur du bel indifférent. Ses avances ne sont pas couronnées de succès. Le duc de Nivernais, amant de la comtesse, en apprécie davantage le raisonnable petit d’Éon, sensible aux seules récréations de l’esprit.

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