Le clan de l'ours des cavernes
cet esprit. Toutes les femmes ne sont pas aptes à devenir guérisseuse. Une guérisseuse doit posséder en elle le désir profond de secourir les autres. Mais toi, Ayla, tu l'as déjà en toi, cette volonté, et c'est pourquoi j'ai commencé à te former. Je l'ai su quand tu as rapporté à la caverne ce lapin blessé, juste après la naissance d'Uba. quand tu t'es portée au secours d'Ona, tu n'as pas songé un seul instant au danger que tu pouvais courir, tu désirais la sauver avant tout.
Les guérisseuses de ma lignée ont le rang le plus élevé. Le jour o˘ tu seras guérisseuse, Ayla, tu seras toi aussi de cette lignée.
- Mais je ne suis pas ta vraie fille, Iza. Tu es la seule mère dont je puisse me souvenir, mais je ne suis pas née de toi. Comment puis-je appartenir à ta lignée ? Je ne possède même pas tes souvenirs...
- Ma lignée possède le rang le plus élevé parce que ses guérisseuses ont toujours compté parmi les meilleures. Ma mère, et la mère de ma mère, et leurs mères avant elles ont été de grandes guérisseuses qui se sont transmises les unes aux autres leur savoir. Tu es du clan, Ayla, tu es ma fille, formée par mes soins. Tu posséderas le savoir que je t'aurai enseigné. Si tu ne possèdes pas toutes mes connaissances, ce que tu sais sera néanmoins suffisant car tu as un don inestimable, le don de comprendre et de deviner l'origine du mal et, à partir de là, de le guérir. Je ne t'ai jamais dit de placer de la neige sur la br˚lure de Brun quand Oga a renversé sur lui le bol de soupe. J'aurais fait la même chose, et pourtant je ne t'en avais rien dit. Ce don que tu possèdes peut se révéler aussi puissant et efficace, et peut-être plus même, qui sait, que tous les souvenirs dont nos têtes sont pleines. Oui, tu seras de ma lignée, Ayla, parce que je sais que tu feras une excellente guérisseuse. Tu seras digne du rang le plus élevé.
Le clan s'installa dans la routine des occupations quotidiennes. On ne faisait qu'une seule pêche par jour, mais cela suffisait amplement à tenir les femmes occupées jusque tard dans la soirée. Ona ne fut plus autorisée à
aider les pêcheurs à battre l'eau, Droog ayant décidé qu'elle attendrait l'année suivante pour leur prêter main-forte. Vers la fin de la saison de l'esturgeon, les prises se firent de plus en plus réduites, ce qui laissa aux femmes le temps de souffler un peu. Les claies chargées de poissons à sécher s'étendaient à présent tout le long de la plage.
Droog passa au peigne fin le lit de la rivière, à la recherche de rognons de silex ayant dévalé la montagne, et il en rapporta quelquesuns au campement. Pendant l'après-midi, on le voyait souvent en train de façonner de nouveaux outils. Un jour, peu avant leur départ, Ayla le vit prendre son baluchon et se diriger vers la souche d'un arbre mort o˘ il avait l'habitude de travailler. Elle le suivit et s'assit à ses pieds, tête baissée.
- La fillette qui se tient devant toi aimerait te regarder travailler. Y
vois-tu une obiection ? lui demanda-t-elle quand il l'eut autorisée à
parler.
Droog acquiesça d'un grognement.
Ayla trouva une place sur le tronc de l'arbre abattu et l'observa en silence. Ce n'était pas la première fois qu'elle le regardait travailler.
Droog savait qu'elle ne le dérangerait pas mais manifesterait au contraire un vif intérêt pour tout ce qu'il exécuterait. Si seulement Vorn pouvait en faire autant, pensa-t-il avec regret. Aucun des enfants du clan ne semblait doué pour la fabrication des outils, déplorait-il, lui qui, comme tous les bons artisans, désirait transmettre et partager son savoir.
Peut-être Groob prendra-t-il la relève, pensa-t-il avec espoir. Il était heureux que sa nouvelle compagne ait donné naissance à un garçon si tôt après qu'Ona eut été sevrée. Droog n'avait jamais eu un foyer aussi peuplé, mais il était content d'avoir pris avec lui Aga et ses deux enfants. Et la présence d'Aba était d'autant moins une gêne que la vieille femme s'occupait de lui quand Aga était avec le bébé. Aga n'avait pas la douce compréhension de la mère de Goov, et au début Droog s'était vu forcé de remettre la jeune femme à sa place. Mais elle était saine et avait eu un fils, dont il espérait fermement faire son élève. Il avait lui-même appris l'art de tailler la pierre avec le compagnon de la mère de sa mère et il comprenait aujourd'hui le plaisir qu'avait manifesté le vieil homme
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