Le clan de l'ours des cavernes
quelques morceaux de choix. Une fois les poissons préparés, les femmes étendirent dessus le filet, tout d'abord pour le faire sécher, mais aussi pour empêcher les oiseaux de s'emparer d'un butin chèrement gagné.
Bien avant la fin de la pêche, l'odeur et le go˚t du poisson dégo˚taient le clan, mais le festin de la première nuit était toujours un régal, essentiellement composé de morue fraîche à la chair blanche et délicate, parfumée aux herbes aromatiques et enveloppée dans de grandes feuilles vertes pour être ensuite cuite sur un lit de braises. Bien que personne ne le lui ait annoncé explicitement, Ayla savait que ce festin était célébré
en son honneur. Les femmes lui choisirent les meilleurs morceaux et Aga lui prépara tout spécialement un filet entier.
Le soleil venait de disparaîŒtre à l'horizon, et la plupart des pêcheurs avaient rejoint leurs abris pour la nuit. Iza et Aba bavardaient près des braises rougeoyantes, tandis qu'Ayla et Aga regardaient en silence Ona et Uba qui jouaient. Groob, le petit garçon d'un an d'Aga, dormait paisiblement dans les bras de sa mère, après avoir eu son content de lait.
- Ayla, dit Aga d'un ton hésitant, je voulais te dire quelque chose. Je n'ai pas toujours été gentille avec toi...
- Mais non, Aga, l'interrompit Ayla. Tu t'es toujours montrée très courtoise envers moi.
- Ce n'est pas la même chose que d'être gentille, dit Aga. J'en ai parlé à
Droog. Tu sais qu'il adore Ona, ma fille, bien qu'elle ne soit pas née chez lui, car il n'y a jamais eu d'enfant dans son foyer. Il m'a dit que désormais une partie de l'esprit d'Ona t'appartenait à tout jamais. quand un chasseur sauve la vie d'un autre chasseur, il emporte avec lui un peu de son esprit. Ils deviennent frères en quelque sorte. Je suis heureuse que tu partages l'esprit d'Ona, Ayla, et qu'elle soit encore là pour le partager avec toi. Si j'ai la chance d'avoir un autre enfant, et que ce soit une fille, Droog a fait la promesse de l'appeler Ayla. Ayla était stupéfaite.
- Mais c'est un trop grand honneur, Aga. Ayla n'est pas un nom du clan.
- Il l'est maintenant, répondit Aga.
La femme se leva et, après avoir appelé Ona, se dirigea vers son foyer.
- Je m'en vais, dit-elle en se retournant.
C'était, pour les membres du clan, la manière habituelle de se dire au revoir. Plus couramment, ils se contentaient de partir sans cérémonie. Ils ne possédaient en outre aucun terme pour dire " merci ". La gratitude ne leur était pas étrangère mais elle était chargée d'un sentiment d'obligation, généralement d˚ par une personne d'un rang inférieur envers une autre à la position plus élevée. Ils s'entraidaient néanmoins volontiers, ainsi que le voulaient leurs traditions et les nécessités de leur survie. Tout présent, toute faveur exigeait une réciproque de valeur égale, et cela par entente tacite, sans démonstration de remerciements.
Aussi longtemps qu'Ona vivrait, elle serait redevable envers Ayla, à moins que l'occasion se présente à elle de lui sauver à son tour la vie et de s'assurer ainsi une partie de son esprit. L'offre d'Aga ne représentait pas le paiement de son obligation envers elle, mais plus que cela, c'était sa manière à elle de lui dire merci.
Aba se leva peu après le départ de sa fille.
- Iza a toujours dit que tu portais chance, dit la vieille femme comme elle passait devant Ayla. Je le crois, à présent.
- Iza, dit Ayla en venant s'asseoir aux côtés de la guérisseuse, Aga prétend qu'une partie de l'esprit d'Ona m'appartient pour toujours. Mais je n'ai fait que la ramener au rivage, c'est toi qui l'as sauvée réellement. En fait, nous l'avons sauvée l'une et l'autre. Tu possèdes donc une partie de son esprit, et de nombreux autres esprits doivent t'appartenir, toi qui as sauvé la vie à tant de monde ?
- Et d'o˘ vient à ton avis le rang élevé de la guérisseuse, Ayla ? Elle porte en elle une partie de l'esprit de chaque membre du clan, aussi bien homme que femme. Et de tout le Peuple du Clan, en vérité. Elle aide chacun à venir au monde et veille sur leur santé tout au long de leurs vies. quand une femme devient guérisseuse, elle reçoit une partie de l'esprit de chacun, même de ceux qu'elle n'a pas eu l'occasion de guérir, car personne n'est à l'abri d'un accident ou d'une maladie.
" quand une personne meurt et s'en va dans le monde des esprits, poursuivit Iza, la guérisseuse perd une partie de
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