Le clan de l'ours des cavernes
le ciel clair de cette fin d'après-midi. La végétation était dense des deux côtés du cours d'eau, et il contournait machinalement les obstacles, plongé qu'il était dans ses réflexions. Un bruit dans un taillis devant lui le fit s'arrêter net. Il était en terrain inconnu, et il n'avait que son lourd b‚ton pour se défendre, mais la puissance de son bras valide en faisait une arme redoutable. Il le brandit au-dessus de lui, à l'aff˚t des grognements et des mouvements agitant les buissons devant lui.
Soudain, un animal surgit de l'écran de verdure, son corps robuste supporté
par de courtes pattes trapues. Des canines pointues se dressaient comme des défenses, de chaque côté de son groin. quoique Creb n'en e˚t encore jamais rencontré le nom de la bête lui revint en mémoire. Un sanglier. Le porc sauvage le regarda d'un air belliqueux en grattant le sol, puis se détourna et disparut dans l'épaisseur des fourrés. Creb poussa un soupir de soulagement et reprit son chemin. Parvenu auprès d'un banc de sable étroit, il déplia sa couverture, y déposa le cr‚ne de l'ours des cavernes et s'assit en lui faisant face. Il exécuta les gestes rituels, requérant l'assistance d'Ursus, puis chassa de son esprit toutes les préoccupations qui ne concernaient pas exclusivement les enfants dont il devait découvrir le totem.
Les enfants avaient toujours intrigué Creb. Souvent, assis parmi les t '1 siens et apparemment plongé dans ses pensées, il les observait à
l'insu 1_ de tous. L'un d'eux, un petit garçon costaud de six mois environ, avait
coutume de brailler d'un air agressif chaque fois qu'il avait faim. Depuis sa naissance, Creb l'avait toujours vu fourrer son petit nez dans la douce poitrine de sa mère pour y trouver le sein, puis pousser des grognements de plaisir tout en tétant. Le petit Borg, pensa Creb en souriant, lui rappelait le porc sauvage qu'il venait de voir et d'entendre grogner tout en fouillant le sol de son groin. Le sanglier était un animal intelligent, digne de respect, dont les redoutables défenses se révélaient capables d'infliger de sérieuses blessures à qui le mettait en colère, et dont les courtes pattes devenaient d'une surprenante vivacité lorsqu'il décidait de charger. Il n'était de chasseur qui aurait dédaigné un tel totem. Et puis il convenait tout particulièrement à la nouvelle caverne, car l'esprit du sanglier habitait ces bois. Un sanglier donc, décida Creb, convaincu que le totem de l'enfant lui était apparu à dessein.
Satisfait de son choix, Mog-ur tourna son attention vers l'autre enfant.
Ona, dont la mère avait perdu son compagnon lors du tremblement de terre, était née peu de temps avant le cataclysme. Vorn, son frère de quatre ans, était le seul m‚le au foyer. Il faudra bientôt trouver à Aga un nouveau compagnon, songea le sorcier, un homme qui saura prendre soin également d'Aba, sa vieille mère. Mais ceci est l'affaire de Brun ; c'est à Ona qu'il me faut penser, non à sa mère.
Les filles avaient besoin de totems plus paisibles, moins puissants que ceux des garçons, si elles désiraient porter des enfants. Creb songea à
Iza, dont le totem, une antilope saÔga, avait longtemps mis en échec celui de son compagnon... un problème qui avait souvent occupé les réflexions de Mog-ur. Iza connaissait bien plus la magie qu'on ne le supposait, et cependant elle n'avait pas trouvé le bonheur avec l'homme qu'on lui avait donné. Creb ne trouvait rien à reprocher à sa soeur ; elle s'était toujours parfaitement conduite envers cet homme. Celui-ci était mort, à présent.
Mog-ur allait le remplacer. Naturellement, il n'aurait pas de rapports physiques avec Iza. Elle était sa soeur, et ce
serait contraire à toutes les coutumes. Par ailleurs, ce genre de désir était depuis longtemps étranger à Creb. Iza avait toujours été de bonne compagnie, s'occupant avec diligence de lui depuis des années, et ce n'en serait que plus agréable aujourd'hui que son ancien compagnon avait disparu. Et puis il y avait Ayla. Creb éprouva une bouffée d'émotion au souvenir de ses petits bras autour de son cou. Plus tard, se rappela-t-il à
l'ordre. D'abord, Ona.
Ona était une enfant tranquille et facile, qui posait souvent sur lui un regard grave. Ses petits yeux tout ronds examinaient chaque chose avec un vif intérêt silencieux, sans que rien leur échapp‚t, semblait-il. L'image d'un hibou lui traversa l'esprit. Etait-ce un
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