Le Code d'Esther
syllabe et non un “n”, qui donnerait “Germania”, si proche d’une “Germanie” bien connue, autrement dit de l’Allemagne des temps modernes ? La réponse est simple : pour ne pas mettre en danger les Juifs habitant ce pays si celui-ci était désigné nommément. Tous les érudits, dont le célèbre Gaon de Vilna, vivant au xviii e siècle, sont d’accord sur ce point : il s’agit bien d’un pays d’Occident (Edom) appelé “Germania”. Il est à noter que cette région existait un siècle avant l’ère chrétienne sous cette même appellation.
— Ce qui veut dire que, au moment où ce traité est écrit, la Germanie existe déjà en tant que région… C’est bien ça ? »
Ma remarque n’est pas originale, mais je veux juste être certain d’avoir bien compris ses explications et le freiner dans le déroulement de sa démonstration. J’ai de plus en plus la sensation d’être entraîné dans des rapides tumultueux qui me font perdre le contrôle de mon embarcation.
« En effet. Tous les historiens l’attestent. »
Et le voilà reparti, levant parfois les mains au ciel, n’hésitant pas à donner de la voix lorsque son récit le nécessite.
« Deuxième remarque : quelles sont ces 300 têtes couronnées dont parle Jacob ? Il suffit de prendre l’Encyclopædia Britannica et de lire ce qui suit… »
Il se lève et choisit un livre de sa bibliothèque qu’il nous met sous les yeux. De toute évidence, lui n’en a pas besoin, il connaît par cœur ce qui y est écrit : « Après 1648, l’Empire germanique est constitué d’États absolutistes (Brandebourg, Bavière) et d’États constitutionnels (Wurtemberg). L’empire se compose alors de 300 États souverains ou principautés. »
« Je vous rappelle que Jacob a demandé à Dieu d’intervenir car si ces 300 têtes couronnées sortaient, elles détruiraient le monde entier. »
Ron Chaya s’arrête et nous regarde droit dans les yeux. Il prend son temps pour nous ménager, nous laisser le loisir de réfléchir avant d’abattre son ultime carte.
« Évidemment, nous pensons tous à la même chose, mais le dernier pas nous coûte. Comment imaginer qu’un texte vieux de 1 500 ans puisse annoncer un holocauste en Allemagne dans les temps futurs ? Laissez-moi vous donner deux autres informations, et après, vous pourrez penser ce que vous voulez…
Vous savez qu’en hébreu il est courant de calculer la “valeur” des mots. Ce n’est en aucun cas de la magie. Plutôt une méthode mathématique qui nous permet de mieux apprécier ce qui se cache derrière un mot ou un nom. Je me suis amusé à calculer la valeur d’“Esaü”…
» ESAÜ = 377
» Nous arrivons à un total de 377.
» Ensuite, j’ai fait la même chose pour Adolf Hitler…
» ADOLF HITLER = 377
» Le total de ses lettres est le même : 377. Troublant, n’est-ce pas ?
» Enfin, une information : vous savez qu’au début des années 1940 Albert Speer, l’architecte du Reich, avait commencé à dresser des plans pour réaménager Berlin et la transformer en capitale mondiale. Savez-vous comment il comptait la rebaptiser ?
— “Germania” ! lance Yohan
— Tout juste ! lui répond notre interlocuteur. Drôle, n’est-ce pas ? Mais tout ce que je vous ai raconté n’est que le… comment dire… hors-d’œuvre du Livre d’Esther. Il y a surtout les petites et les grandes lettres, dont vous avez sans doute entendu parler. Mais, pour cela, il faudra aller voir l’homme qui a percé le mystère, le Pr Neugroschel.
— Nous le rencontrons ce soir ! intervient Yohan.
— Alors je lui laisse le soin de finir de vous convaincre. Sa démonstration est imparable. Vous verrez… »
Le son de sa voix, un peu cassée, le rythme de ses phrases, qu’il module à l’envi, ses silences, qu’il fait régulièrement suivre de questions dont il connaît la réponse – cet homme est un expert en dialectique et sait jouer avec son auditoire. À mes côtés, Yohan est conquis. Je reste sceptique bien qu’ébranlé par ses arguments.
« Et que concluez-vous de tout cela ?
— Que nous sommes entrés dans la période prémessianique. Que la fin des temps est proche… Qu’Israël et le monde entier sont en grand danger. »
Il prononce ces mots à voix basse, presque en chuchotant, comme s’il craignait de réveiller des forces maléfiques, mais avec l’assurance de celui qui sait.
Le taxi
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