Le Coeur de la Croix
dans toutes les directions :
— Raymond de Tripoli est mort !
— On l’a assassiné !
— J’ai la coupable ! lança un Hospitalier en
faisant avancer Cassiopée devant lui, sous la menace de son épée.
Elle marchait en silence, le dos rond, maintenue par deux
solides frères sergents, escortée de quatre turcopoles et d’un frère chevalier.
Morgennes se précipita vers Cassiopée. Elle lui jeta un regard qu’il ne
reconnut pas.
— Où est Simon ? Que s’est-il passé ?
demanda-t-il.
Cassiopée ne répondit pas. Elle fut conduite dans le
cul-de-basse-fosse du krak des Chevaliers, où Alexis de Beaujeu alla aussitôt
la trouver. Morgennes avait l’impression d’être emporté par un tourbillon. Les
cloches de la petite chapelle avaient changé de rythme, et sonnaient maintenant
le glas.
Il fallait retrouver Simon ! Peu avant le repas, il
était sur les remparts avec Cassiopée. Et maintenant ? Morgennes courut
vers l’escalier qui menait à la tour des invités et croisa deux femmes qui en
descendaient. Toutes deux avaient un port de reine et la peau brunie des
habitants de la région, mais l’une avait les cheveux noirs, tandis que l’autre
était blonde.
Échive de Tripoli ! Morgennes s’approcha de la femme
aux cheveux blonds mêlés de blanc et la pressa contre lui – la laissant
pleurer quelques instants sur son épaule.
— Que s’est-il passé ? demanda-t-il.
Échive secouait la tête, incapable de répondre. La femme qui
l’accompagnait, et que Morgennes ne connaissait pas, dit :
— Pardonnez-moi, chevalier, mais la comtesse est encore
sous le choc. Je crains qu’elle ne puisse vous répondre pour le moment…
Un homme surgit alors des appartements du comte Raymond de
Tripoli. Il s’agissait d’Ernoul. Il s’approcha du petit groupe et lança :
— Quelle tragédie !
Morgennes le prit par le bras, et le serra à lui faire
mal :
— Ernoul, il faut me dire ce qui s’est passé ! On
accuse Cassiopée d’avoir tué Raymond, c’est absurde !
— Je suis d’accord avec vous, Morgennes, convint
Ernoul. Mais elle est la dernière à avoir vu le comte vivant… En outre, elle ne
veut pas parler.
— Et alors ? fit Morgennes. Cela signifie-t-il
qu’elle l’a tué ?
— Non, mais de lourds soupçons pèsent sur elle. Je
sais, c’est difficile à croire, mais c’est ainsi.
Morgennes avait l’air égaré de ceux sur qui le ciel vient de
tomber.
— Cassiopée, murmurait-il, Cassiopée… Il faut que je la
voie, il faut que je lui parle !
Comme il tournait les talons, la femme qui accompagnait
Échive l’interpella :
— Pardon, messire, mais j’ai entendu ce brave Ernoul
vous appeler Morgennes. Seriez-vous le chevalier qui a retrouvé la Vraie
Croix ?
— C’est moi.
— Alors j’ai confiance en vous. Si vous affirmez que la
jeune femme n’est pas coupable, c’est qu’elle est innocente. Vous trouverez le
ou la coupable, j’en suis certaine.
— Vous êtes la mère de Josias, la compagne de Tommaso
Chefalitione ?
— Oui.
— Le capitaine est un brave homme et je suis heureux
pour vous deux. Je regrette seulement de vous rencontrer dans ces pénibles
circonstances. J’espère qu’un jour nous aurons l’occasion de faire plus ample
connaissance.
— Je le souhaite aussi, dit Fenicia.
Sur un signe de tête, elle s’éloigna avec la comtesse de
Tripoli.
Morgennes se retrouva seul avec Ernoul. Qui demanda :
— Que voulez-vous faire ?
— Voyez-vous à quoi ressemblent mes amis ? Taqi
ad-Din, le neveu de Saladin ? Simon de Roquefeuille, un jeune
chevalier ? Yemba, un moine à la peau noire ?
— Oui, je crois, acquiesça Ernoul.
— Trouvez-les ! Dites-leur de me rejoindre chez
Raymond de Tripoli. Et vite !
— Ce sera fait, dit Ernoul.
Morgennes remercia le brave écuyer, et décida de se rendre
dans les appartements de Raymond de Tripoli avant qu’ils ne lui fussent interdits.
Cassiopée ne bougeait pas. Elle était allongée dans sa
cellule, sur une botte de paille.
Beaujeu était avec elle et s’efforçait de la faire parler.
Mais la jeune femme restait silencieuse. Elle se contentait de le regarder d’un
air triste, des larmes coulant sur ses joues, les lèvres mystérieusement
scellées.
— Écoutez-moi, commença Beaujeu. Je vais être franc
avec vous. Je ne crois pas que ce soit vous qui ayez tué le comte. D’ailleurs,
pourquoi l’auriez-vous fait ? Vous n’y aviez
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