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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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tenté de tranquilliser son grand bailli sur l'issue de la confrontation qui l'attendait.
    Lorsque la desserte, un crépiau 7 aux pommes et aux raisins secs, fut déposée devant eux, Artus résuma, une trace d'agacement dans la voix :
    – Morbleu, Brineux ! Ne voilà-t-il pas que je m'acharne depuis une heure à vous dorloter tel un enfançon, à vous rassurer telle une vieille femme alors même que je suis la victime du piège que vous ne cessez d'évoquer.
    – Je sais, acquiesça le grand bailli, et je me déteste d'ajouter à votre tracas. C'est que, je m'en veux tant de mon impuissance… Palsambleu 8  ! Je préférerais grandement pourfendre quelques vilains coquins !
    – Il s'agit, pour la plupart, de vilains coquins sous leurs habits de justice et de pouvoir. Toutefois, une fine lame comme vous ne peut rien contre cette race-là.
    – Êtes-vous bien certain, monseigneur, que je ne puis vous accompagner ? Ayant le privilège de vous servir depuis de longues années et l'honneur de vous côtoyer, je pourrais éclairer vos juges de mon témoignage.
    – C'est exclu, Brineux. D'abord parce qu'ils auraient tôt fait de rejeter vos dires puisque, précisément, vous me servez. Ensuite, parce que je crains plus que le reste qu'ils s'intéressent à vous de trop près. S'il advenait que… Vous êtes le seul en qui j'ai assez d'estime pour lui confier le futur de mon épouse et de mon fils.
    Le regard abaissé, Monge de Brineux hocha la tête, bouleversé. Artus d'Authon se leva, époussetant d'un revers de main son gipon 9 de riche brocard.
    – À vous revoir sous peu, mon ami. Priez pour moi.
    Brineux se contenta d'un nouveau hochement de tête, redoutant qu'une fêlure de sa voix ne trahisse l'émotion qui lui coinçait les mots dans la gorge.

    Artus d'Authon franchit l'huis rébarbatif qui barricadait à la nuit l'enceinte de la maison de l'Inquisition. Il traversa d'un pas ferme la cour carrée aux pavés irréguliers et gravit les quelques marches qui menaient à une lourde porte renforcée de traverses.
    Un garde se porta vers lui lorsqu'il pénétra dans l'ouvroir, obscur en dépit de la lumière vacillante dispensée par les torches des murs. Il déclina ses noms et qualités, précisant qu'il était attendu par un seigneur inquisiteur d'Évreux. Le garde s'inclina et bougonna :
    – M'en va faire mander le secrétaire. Installez-vous si ça vous chante, proposa-t-il en désignant la table de bois noir flanquée de ses bancs, seul meuble de la grande salle sinistre et basse qui faisait suite à l'ouvroir.
    Artus se rapprocha de la table, sans toutefois s'asseoir, attendant, l'esprit vidé de toutes pensées. Il s'était efforcé durant les jours derniers d'effacer jusqu'à l'ombre de l'appréhension, sachant pertinemment qu'elle constituait l'arme la plus redoutable des inquisiteurs.
    Un incompréhensible soulagement le détendit lorsque apparut le secrétaire, cet Agnan qu'il avait invité à dîner dans l'espoir d'obtenir des éclaircissements sur le rôle joué par Francesco de Leone dans le meurtre de Florin. Il s'avança de deux pas vers le très jeune homme. Sa laideur sans charme, ces petits yeux rapprochés, ce long nez en lame et ce menton fuyant inspiraient la défiance dès que le regard les frôlait. Pourtant, Artus savait qu'une belle âme vaillante se dissimulait sous ce masque de hideur. Étrangement, Agnan ne manifesta aucune cordialité en parvenant à sa hauteur. Il déclara avec indifférence :
    – Monseigneur d'Authon, vos juges se consultent en ce moment même. J'ignore s'ils auront bientôt terminé les préparatoires. Puis-je vous prier de me suivre ? L'attente sera moins longue dans la pièce attenante à la salle d'interrogatoire.
    Un peu décontenancé par l'attitude du jeune homme, Artus obtempéra.
    Ils traversèrent la grande pièce et obliquèrent à droite avant d'emprunter un escalier de bois sombre. Agnan précédait le comte en silence. Parvenus sur le palier, au lieu de le conduire vers la petite salle d'attente, il posa l'index sur ses lèvres afin d'intimer le silence à Artus d'Authon et indiqua de la main l'étroit couloir qui filait vers la gauche et butait sur une porte basse, celle de son bureau. Agnan se laissa aller contre le panneau dès qu'il en eut poussé le verrou. Essoufflé, il murmura :
    – J'ai craint que vous m'interrogiez en bas sur mon attitude pour le moins déconcertante. Ils ne doivent pas apprendre que je vous

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