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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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maison est-elle inoccupée depuis ce temps ?
    – Graphiarius, que sait-on de l'occupation de la demeure ?
    Le jeune secrétaire compulsa les notes entassées sur son écritoire.
    – Euh… Elle fut vendue trois mois après le décès de notre regretté seigneur inquisiteur Florin à un saunier 4 , Jean Chauvet, qui l'occupe depuis, ainsi que sa famille.
    – Or donc, s'emporta le comte d'Authon, faudrait-il croire que la maîtresse des lieux et ses aides n'ont jamais découvert avant ces débris d'opale ? Elle devrait les punir sur-le-champ. La tenue de sa demeure est lamentable si l'on n'y décolle pas les saletés coincées entre les lattes de parquet !
    – Ne feintez pas avec moi, messire d'Authon, risqua l'inquisiteur, à bout d'arguments.
    – Feinter ? Vous raillez-vous, monsieur ! Quelle sotte comédie que cet interrogatoire ! Mon épouse a trépassé peu avant mon fils. Ce deuil, celui de mon hoir, a failli m'ôter la raison. Je ne prétendrai pas que celui de mon épouse m'avait désespéré. Avec tout mon infini respect pour elle, nous n'étions que des étrangers partageant les mêmes lieux. Cela pour claquer le bec de vos prétendus enquêteurs. J'ai tiré de mon annulaire ma bague de mariage sitôt mon épouse décédée, il y a de longues, longues années de cela. Trop de blessants souvenirs. Je ne l'ai plus jamais enfilée. (La rage rattrapa Artus, qui cracha entre ses mâchoires serrées :) En d'autres termes, celui ou celle qui a dérobé cette bague afin de complaire à je-ne-sais-qui me connaissait peu. Ce sbire a commis une erreur grossière car tout mon entourage attestera que je ne l'ai plus portée depuis des lustres.
    – Nous apprécions la pirouette, se défendit sans grand enthousiasme Jacques du Pilais. Toutefois, vous concevrez que des vérifications s'imposent. L'Inquisition est juste et charitable. Notre mission consiste à tenter par tous les moyens d'innocenter, de comprendre. Si vos dires sont avérés, la joie de pouvoir vous considérer comme une âme acquise au Seigneur sera nôtre. Cependant, et puisque je requiers un complément d'enquête, dans le seul but de vous disculper, il vous faudra accepter notre hospitalité. Certes, elle ne peut se comparer au confort auquel vous êtes habitué. Toutefois, le murus strictus n'est pas de mise dans votre cas, pas plus qu'un ordinaire se limitant à l'eau, à trois écuelles de soupe de lait aux racines 5 et à un quart de pain de famine 6 , pénitence généralement infligée aux suspects véritables afin qu'ils sondent leur âme.
    – Quelle libéralité ! ironisa Artus d'Authon. Cependant, je puis me contenter, pour vous plaire, de soupe au lait et de pain de famine. Mon épouse y a résisté et si je ne suis pas convaincu de posséder sa force d'âme, celle de mon obstination est égale à la sienne.
    L'inquisiteur ne releva pas la pique. Au lieu de cela, il s'enquit sans laisser transparaître la moindre irritation :
    – Ai-je votre parole, monsieur d'Authon, que vous vous laisserez mener avec complaisance ou dois-je me résoudre aux entraves ?
    – Ma parole vous est acquise, monsieur.
    – Notaire, veuillez consigner que l'interrogatoire est clos pour ce jour et qu'il reprendra au plus prompt.
    Sans un regard ni un salut pour les autres membres du jury, Artus d'Authon suivit le seigneur inquisiteur flanqué de son graphiarius, aussitôt rejoint par un Agnan au visage de marbre.
    Parvenu dans l'ouvroir, Jacques du Pilais héla un des gens d'armes qui montaient la garde :
    – Toi, précède-nous.
    Récupérant un des flambeaux qui éclairaient avec parcimonie, l'homme traversa en diagonale la vaste salle. Il tira le battant d'une porte basse qui dévoilait un escalier tournant de pierre plongeant vers des caves ténébreuses. Le garde les précéda dans la descente afin d'éclairer les marches. D'âcres relents de moisissure leur fouettèrent le visage à mesure qu'ils s'enfonçaient vers les profondeurs de la maison de l'Inquisition. D'autres exhalaisons s'y mêlèrent bien vite, celle des excréments, de la sanie. Celles de la déchéance physique. Humaine.
    L'escalier débouchait sur un sol de terre battue, boueuse des montées de la Sarthe voisine. Tête baissée, ils progressèrent sous les voûtes trop basses pour qu'un homme puisse s'y tenir tout à fait debout, dépassant les cachots et les pauvres créatures martyrisées qui s'y tassaient. Un silence étrange régnait. Un

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