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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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s'étaient attablées devant un large guéridon ovale, poussé devant une fenêtre, afin d'y déguster leur goûter du matin. Les atours n'étaient pas aujourd'hui la préoccupation majeure de Mathilde. Ces quelques semaines passées en compagnie de sa protectrice et mentor l'avaient, selon elle, métamorphosée. D'encore enfante, elle était devenue femme. Or les femmes se vengent.
    – Quand souhaitez-vous que débute ma mission auprès de ma mère, pour vous plaire, madame ?
    – J'attends encore quelques informations qui vous aideront grandement dans votre tâche de démolition, ma chère mie. Notre art de renardes, ne l'oubliez pas, consiste avant tout à repérer le terrain avec soin avant de s'y aventurer, mentit la ravissante créature.
    Mathilde, le visage sérieux, hocha la tête avant d'insister :
    – Et concernant cette vilaine canaille d'Eudes de Larnay ? Avez-vous songé au moyen grâce auquel je m'en pourrais venger avec éclat, madame ?
    Le peu d'intérêt que revêtait maintenant Mathilde aux yeux d'Aude de Neyrat lui avait fait oublier cet engagement. Fichtre ! Comment allait-elle se dépêtrer de cette contrariété ? Elle avala avec lenteur une gorgée de sa tisane de lavande et de sauge au miel, afin de réfléchir.
    Elle reposa l'élégant gobelet de Beauvais cerclé d'argent, et se lança avec une feinte incertitude :
    – Je ne pense qu'à vous aider. Votre ire est juste et je la partage, tout comme votre impatience. Cela étant, mes gens n'ont pas chômé, pour vous satisfaire. Cet ignoble coquin de Larnay jouit encore d'appuis avec lesquels il nous faudra louvoyer, inventa-t-elle.
    Mathilde était suspendue à ses lèvres au point qu'elle ne s'interrogea pas sur les soutiens d'un petit baron endetté, dont les mines de fer étaient épuisées, la réputation souillée depuis belle l'heurette, et dont les ennemis reprenaient du poil de la bête.
    Madame de Neyrat aurait parfaitement pu lui offrir son aide experte de toxicatore. Toutefois, elle n'avait aucune confiance en la jeune fille qui avait amplement prouvé qu'elle était capable de dénoncer par simple goût du confort ou par caprice. Soudain une idée de soudard lui traversa la tête. Grasse à souhait, inconvenante, mais bien réjouissante. Elle n'hésita qu'une seconde. L'air pénétré, elle attaqua :
    – J'ai retourné votre légitime désir de revanche des heures entières, ma chère belle. Il nous faut, ainsi que vous l'avez finement précisé, une éclatante et totale vengeance. Cependant, ses éclaboussures doivent vous épargner tout à fait. Si elles devaient vous atteindre, ternir votre réputation, le cœur m'en saignerait.
    – Comme vous êtes bonne, ma chère dame, de prendre si beau soin de moi, remercia la bécasse, les larmes aux yeux puisqu'elle était le centre des pensées de sa bienfaitrice.
    – Plusieurs stratagèmes me sont venus, certains trop hasardeux pour que je m'y attarde. Permettez-moi de vous expliquer le cheminement de ma réflexion. Je me suis posé la question suivante : quel dommage infamant, quel préjudice impardonnable un scélérat pourrait-il causer à une adorable mignonne de belle famille que le siècle réclame et qu'il s'apprête à encenser ? En d'autres termes, quelle ignoble vilenie aurait pu commettre Eudes de Larnay à votre égard qui lui vaille un implacable châtiment ? Certes pas de vous avoir poussée derrière les portes rébarbatives d'un couvent. Il s'agit là, au contraire, d'une perle supplémentaire à votre réputation. D'autant qu'il pourrait alors resservir à ses juges la grotesque fable de vos débordements de sens, justifiant une retraite du monde…
    Bouche entrouverte d'admiration, environnée des effluves du parfum d'iris et de rose de madame de Neyrat, Mathilde s'émerveillait de la subtilité de cette femme si belle.
    – L'inceste, ma chère belle. Un inceste brutal, abject auquel vous tentâtes vaillamment de résister. Mais que pouviez-vous, pauvre frêle pucelle ? Après tout, ne m'avez-vous pas conté les déclarations enflammées que vous fit votre oncle, dans vos appartements du château de Larnay ? La bête se préoccupait fort peu que cette chambre fut celle de son épouse récemment défunte. S'ajoutera en sa défaveur une épouvantable réputation de trousseur sans vergogne qui n'a pu que remonter aux oreilles de Monge de Brineux. Notre grand bailli ne doit, pas plus que le comte d'Authon son maître, ignorer le

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