Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
d'Authon les frôla du regard. Une énorme topaze rectangulaire prisonnière de griffes d'or, une bague d'index à l'évidence, voisinait avec un large anneau semé de perles et de saphirs de belle taille. Un serpent aux yeux de rubis, de circonférence plus réduite, avait dû orner l'auriculaire de Florin.
    – Connaissez-vous ces bijoux de doigt, messire d'Authon ? s'enquit l'inquisiteur de sa voix douce.
    – Non pas.
    – Vous assurez ne les avoir jamais vus ?
    – Je l'assure, sur mon honneur.
    – Monseigneur d'Authon… Que faites-vous de cette charade : un coquin, un soudard prétendument rencontré dans un bouge, suit le seigneur inquisiteur en sa demeure. Ils s'enivrent encore, comme le prouvent les verres brisés retrouvés sur les lieux. Peut-être une querelle éclate-t-elle alors. Toujours est-il que l'ivrogne en question égorge Nicolas Florin et lui arrache ses bagues… que les enquêteurs du souverain pontife, bénit soit-il, retrouvent près de deux ans après les faits dans le putel. N'est-ce pas ahurissant ?
    – Rien de ce qui tisse l'homme ne m'étonne. Si vous me permettez cette remarque, je n'avais pas compris que mon conseil était requis afin d'expliquer les mobiles d'un vil meurtrier.
    La désinvolture sans arrogance qu'il percevait dans le ton du comte achevait de troubler Jacques du Pilais.
    – Vous êtes un gentilhomme de la plus belle réputation. Ne trouvez-vous pas que cet abandon de butin, incompréhensible venant d'une canaille, s'explique en revanche admirablement si le meurtre n'avait pas été motivé par la beuverie et le vol, mais perpétré de sang-froid par un homme de haut 2 , désireux de protéger la femme qui lui avait ravi le cœur au point qu'il l'épouse. Dérober les bagues avait toute chance d'induire les enquêteurs en erreur. Ce qui se produisit. Toutefois, cet homme de haut en question n'aurait pas commis l'indignité de les conserver.
    – Le raisonnement est habile, je vous le concède, seigneur inquisiteur. Il ne pêche que par un détail d'importance. Cet homme de haut aurait-il été assez imbécile pour jeter les bagues révélatrices dans le putel de la maison de Florin ? Le seul endroit où l'on risquait de les retrouver ?
    Pilais s'était attendu à cette riposte.
    – L'émotion du moment, le remords d'avoir tué une créature de Dieu.
    – Ne venez-vous pas de dire que cet homme de haut avait assassiné Florin de sang-froid ? Cessons ces galéjades, seigneur inquisiteur. Je doute d'avoir été le seul gentilhomme que la mort de Florin n'affligeait pas. Je gage que d'autres ont dû remercier le ciel à la nouvelle de son trépas. Si cette satisfaction est bien peu charitable, elle ne constitue pas un crime.
    Jacques du Pilais avait conduit tant d'interrogatoires, traqué tant de coupables. Il avait démasqué les plus habiles supercheries, confondu des menteurs si plaisants qu'on leur aurait concédé le pardon sans hésitation. Il avait acculé d'astucieux félons déguisés en doux agneaux ou parfois sorti des geôles putrides de la maison de l'Inquisition des innocents malhabiles que leur manque d'esprit menait tout droit au bûcher. En bref, l'âme humaine et ses traquenards n'avaient plus grand secret pour lui. Une foi absolue, une ardeur sans fléchissement le tenait au cours de ces procès. Il sauvait l'âme d'égarés pour l'amour de Dieu 3 . Justement, sa passion pour Lui le brûlait, le dévorait si délicieusement que jamais Jacques du Pilais ne l'aurait ternie par une flagrante injustice, un jugement de honte ou de complaisance. Certes, il était parti d'Évreux convaincu de la culpabilité de monseigneur d'Authon, influencé par le portrait répréhensible que lui en avait brossé l'évêque. Pourtant, une incertitude le gagnait depuis quelques minutes.
    Lui revint pour la dixième fois depuis le tôt matin la courte missive reçue de Rome une semaine auparavant, portant le sceau papal, signée de la main du camerlingue Honorius Benedetti.
    Il nous est de la plus cruciale importance d'être éclairé au sujet de l'ineffable pureté du jugement de Dieu qui se serait manifestée dans l'affaire de madame Agnès de Souarcy, devenue comtesse d'Authon. Il nous est apparu que ledit jugement aurait été simulé, un impardonnable sacrilège. Nous exigeons de vous la plus grande sévérité et la plus entière vigilance à l'égard de l'impie qui aurait pu commettre telle profanation pour un bénéfice

Weitere Kostenlose Bücher