Le combat des Reines
doit
savoir !
— Parfait.
Isabelle se leva
et nous nous empressâmes de l'imiter.
— J'en sais
assez.
Elle se tourna
vers moi.
— Si une
hypothèse est en partie vraie, il est alors possible qu'elle le soit dans tous
ses aspects. Mathilde, messires, je reviendrai.
Elle s'éloigna
d'un pas majestueux en criant aux pages et aux écuyers de l'escorter chez le
roi.
Demontaigu et Ap
Ythel sortirent dans le couloir. Je les suivis, fermai l'huis derrière moi et
appelai un page pour qu'il monte la garde. Ap Ythel hocha la tête.
— L'ennemi
de l'intérieur... c'est ainsi que mon peuple a été conquis par le grand
Édouard, par l'ennemi de l'intérieur !
Bien décidé à
poursuivre les recherches et à s'assurer que ce qu'Isabelle avait nommé « ces
caves infernales » ne présentaient plus de danger, il s'éloigna avec
Demontaigu. Je retournai dans ma chambre, m'enfermai à clé et m'accroupis
auprès d'un petit brasero rougeoyant pour me réchauffer. Je pris une couverture
dont je m'enveloppai les épaules. J'avais froid et je tremblais en prenant la
mesure des horreurs qui auraient pu se produire. Mon oncle m'avait parlé de la
poudre à canon. Même un petit paysan savait qu'il était dangereux de mélanger
de l'huile, du vin, du bois sec et du salpêtre. Les flammes auraient couru dans
les caves et seraient montées, transformant le manoir de Bourgogne et tout ce
qu'il contenait en une torche vivante. Je finis par me calmer. Je fis chauffer
un peu de vin, bus le posset brûlant et repris mon examen. Il y avait un vide,
une preuve dont j'avais besoin, mais pour cela je devrais attendre. Je
sommeillai un peu ; les cloches de l'abbaye sonnant vêpres me
réveillèrent. Peu après, Ap Ythel, à présent habillé avec élégance de la livrée
royale, frappa à la porte. Le monarque me convoquait dans ses appartements, où
attendait la reine.
En suivant les
galeries, je perçus le changement. Pratiquement tous les hommes du comitatus d'Ap Ythel, ainsi que les Kernia, étaient à leur poste. Ap Ythel m'informa à
voix basse que tous les portails, toutes les poternes d'accès au palais avaient
été fermés et verrouillés. Personne ne pouvait entrer ou sortir sans
l'autorisation expresse du roi. Édouard faisait les cent pas dans sa chambre,
comme le léopard que j'avais vu dans sa cage à la Tour. Il était furieux. Il ne
portait qu'une chemise de batiste, des hauts-de-chausses glissés dans une paire
de bottes noires dont les éperons encore en place cliquetaient, une jaque de
futaine fauve sur les épaules et ne cessait de déambuler. Gaveston, plus élégant,
se prélassait sur un coussiège, le bas du visage caché par sa main gauche.
Isabelle, comme une statue de la Vierge, avait pris place dans la grande chaire
de son époux. Elle ne fit pas un geste, même à mon entrée. Le souverain claqua
des doigts et m'ordonna de m'agenouiller sur un coussin près d'elle. Il se
contenta, pendant un moment, de fulminer et de déverser un torrent d'immondes
injures. Il finit par se calmer, s'approcha, me caressa les cheveux et me
tapota le menton puis, plutôt bizarrement — mais c'était bien
d'Édouard —, s'accroupit près de sa femme et s'assit sur ses talons.
— Ap Ythel
fouillera ce palais, annonça-t-il. J'ai fait emporter le trésor à la Tour.
Cromwell peut le surveiller. Mathilde, vous avez donné de bons conseils à mon
épouse ; vous serez récompensée.
Il leva la main,
les doigts écartés.
— Le
prisonnier sera amené céans au petit matin, enfermé, enchaîné et bien gardé.
Vous l'interrogerez mais, avant tout, madame...
Il se tourna
vers la reine.
— ... vous
accorderez une audience à Marigny et aux autres juste après la messe de l'aube
demain matin. Vous savez ce que vous devrez dire, n'est-ce pas ?
— Et
ensuite ?
Le monarque
haussa les épaules.
— Faites ce
que vous avez à faire, mais faites-le vite. Nous ne pouvons prendre de risque
qu'une seule nuit de plus. C'est à vous de décider. Comme je vous l'ai dit, pas
de sang. Laissez le temps faire son œuvre.
Un peu plus
tard, Isabelle, la mine toujours dure et le ton sec, vint dans ma chambre. Elle
décrivit le courroux d'Édouard aux nouvelles qu'elle lui apportait, surtout au
sujet du complot pour incendier le manoir de Bourgogne. Elle me parla aussi,
non sans un certain plaisir, de la peur qu'éprouvait Gaveston.
— Notre
noble seigneur est sur ses gardes, beaucoup plus que je ne le pensais.
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