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Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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me
parvenant au palais de Westminster. Il m'assura de son zèle et nous partîmes.
    Le trajet fut
étrange. J'étais encore intriguée par ce qui était arrivé à Pain-bénit et
préoccupée par ce que m'avait raconté Demontaigu. La conclusion à laquelle lui
et ses frères étaient parvenus était, sous bien des rapports, logique. Si
Alexandre de Lisbonne et ses Noctales avaient le champ libre à Londres
et dans le royaume, le seul refuge possible se trouvait parmi les ennemis du
souverain, en Écosse. Je devais encore m'armer de courage pour affronter les
dangers actuels. Le jour touchait à sa fin. La plupart des passants avaient
gagné les échoppes à bière et les gargotes pour se restaurer d'un potage de
légumes, de pois et de chou, arrosé de bière bon marché. À cause des terribles
événements qui devaient se produire par la suite, je n'ai pas oublié certains
spectacles aperçus, certaines images frappantes : les teintes variées des
habits, noir et blanc, bleu et blanc, rouge et moutarde ; un godelureau,
dont le pourpoint matelassé et les hauts-de-chausses formaient un bizarre
contraste de couleurs, comme quelque chose vu en rêve. J'étais sur le qui-vive,
me méfiant d'un mouvement brusque, d'une dague dans une main. Je regardais
plutôt les vêtements que les visages et je compris que la ceinture des
promeneurs, qu'elle soit de laine, de cuir, de tissu, garnie de cuivre, de fer,
d'acier ou, pour les très riches, d'or ou d'argent, attestait de leur richesse
et de leur statut. D'autres souvenirs me reviennent. Un boucher abattait un
goret sous prétexte qu'il vagabondait là où il n'aurait pas dû. Deux chiens se
précipitaient, avides de lécher le sang, pour se voir chassés à grands coups de
pied. Au coin de Wood Street, des baillis mettaient cinq boulangers au pilori
pour avoir vendu des miches qui ne faisaient pas le poids requis ; de
l'autre côté de la ruelle, une goton, retroussant sa robe, faisait d'une voix
rauque des propositions à un groupe de fêtards qui avançait en plastronnant. Un
religieux tentait, lui aussi, d'attirer l'attention des jouvenceaux en leur faisant
des remontrances sur leur façon de s'habiller.
    — Vous,
fiers galants, dédaigneux et sans cœur, sans cervelle sous vos chapeaux pointus
et sans décence avec vos courtes tuniques, conduisez ce pays à de grands
malheurs ! tonnait-il.
    Il ne cessait de
reprendre ce refrain si bien que les mots, comme l'air d'une chanson, se
gravèrent dans ma mémoire, tout comme le terrible avertissement du prêcheur :
« Celui qui s'adonne au luxe sera tourmenté par des démons portant les
mêmes atours que ceux qu'il affichait pendant sa vie. »
    Demontaigu
s'arrêtait parfois. Nous n'avions pas emprunté le chemin direct pour Lothbury
mais les venelles qui menaient à Cripplegate. Bertrand faisait halte et entrait
dans diverses tavernes —  Le Chevreuil, L'Aigle éployé, Le
Tourbillon, Le Singe moqueur  — où s'étaient réfugiés ses frères,
déguisés en mendiants, en chaudronniers, en colporteurs ou même en lépreux ou
en déments. Devant Le Ver luisant , une marchande d'herbes me proposa du
persil et du thym. En souriant, je refusai d'un signe de tête mais elle
s'approcha. Elle cherchait moins à me vendre ses produits qu'à attirer mon
attention au profit d'un homme au visage maigre qui se tapissait sous un porche
un peu plus loin dans la rue. Il s'agissait en réalité d'un lanternier et de sa
ribaude en quête de chair fraîche pour leur commerce. Demontaigu sortit de la
taverne, jeta un coup d'œil sur la femme, observa la rue et chassa les deux
crapules sous ses jurons. Il me présenta ses excuses.
    — Je suis
navré. Mais c'était ma dernière visite. Venez.
    Nous suivîmes
Gutter Lane, passâmes devant Bakewell Hall, débouchâmes dans Lothbury et
traversâmes le Grand Communal où, çà et là, s'élevaient de riches demeures aux
toits flanqués de tours et aux fenêtres parfois garnies de verre qui
scintillait derrière les hauts murs d'enceinte en pierre. Demontaigu demanda sa
route à un colporteur que sa question fit sourire, mais qui néanmoins montra
une sente serpentant à travers un épais boqueteau.
    — Le chemin
des plaisirs, plaisanta-t-il.
    Puis il me
désigna :
    — Mais
pourquoi vous rendre là-bas alors que vous êtes en si plaisante compagnie ?
    Bertrand se mit
à rire. Je m'empourprai. Nous traversâmes le terrain vague dont la terre et
l'herbe glissaient sous nos pieds.

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