Le commandant d'Auschwitz parle
et Eichmann n’y comptait guère.
En dernière ligne venait l’Espagne. Des milieux influents
avaient approché les représentants du Reich et exprimé leur désir d’être
libérés des Juifs. Mais Franco et son entourage s’opposaient à une pareille
mesure. Eichmann ne croyait pas que l’extradition pût avoir lieu.
Tous ces projets furent réduits à néant par les événements
qui mirent fin à la guerre et des millions de Juifs eurent la vie sauve.
Cracovie, novembre 1946.
Rudolf Hoess.
En exécution de la sentence qui le condamnait à mort le 2 avril 1947,
Rudolf Hoess a été pendu à Auschwitz.
Postface à l’édition de 2005
GENEVIÈVE DECROP
Voici près de soixante ans que Rudolf Hoess a rédigé son
mémoire, et c’est la quatrième fois qu’il est publié en France. Ce document
garde toute sa valeur comme témoignage d’un acteur qui, s’il ne fut pas de tout
premier plan, occupait une position stratégique dans l’entreprise de
destruction menée par le régime national-socialiste entre 1933 et 1945, dont
Auschwitz est le condensé.
Rudolf Hoess ne fut pas dans le secret des dieux, mais il
disposait d’une assez large visibilité sur le déroulement de l’extermination,
que les historiens travaillent à élucider depuis soixante ans. Ils sont en
mesure aujourd’hui d’apporter des éclairages décisifs sur un certain nombre d’allégations
de Rudolf Hoess. Ils ont eu surtout, dans les deux dernières décennies, le
grand mérite de restituer au contexte de son récit une épaisseur socio-historique
qui avait quelque peu manqué aux premiers temps de l’historiographie du
nazisme.
Nouvelles interprétations du génocide
Si on devait décrire en quelques mots l’évolution de la
recherche historique sur le sujet, on dirait qu’elle a suivi la piste d’un
petit nombre de questions, simples dans l’énoncé mais de portée considérable,
et qu’en les instruisant, elle a sensiblement déplacé la perspective que nous
pouvions avoir sur le génocide et les destructions de masse commises par le
régime nazi. Mais, avant de faire le point sur les principales d’entre elles,
il n’est peut-être pas inutile de dire quelques mots des historiens eux-mêmes.
Ils forment une petite communauté internationale composée
principalement de chercheurs allemands, israéliens et anglo-saxons (États-Unis
et Grande-Bretagne), dont les grands noms sont Karl Dietrich Bracher, Raul
Hilberg, Hans Mommsen, Joachim Fest, Martin Broszat, Saul Friedlander, Philippe
Burrin, Ian Kershaw… La contribution historiographique de la France y est
marginale, avec l’exception notable de Philippe Burrin, qui, s’il écrit en
français, vit et enseigne en Suisse [141] .
Mais il pourrait bien en être autrement dans l’avenir si le travail de Florent
Brayard, évoqué plus loin, annonce l’intrusion d’une génération de jeunes
historiens dans le champ plutôt confiné de cette historiographie.
Au-delà de la discipline historique, le nazisme et ses
entreprises concentrationnaires et génocidaires ont donné lieu à une production
intellectuelle considérable – sous forme d’essais, de réflexion
philosophique, de travaux de sciences humaines, de témoignages de survivants,
de textes littéraires et d’œuvres cinématographiques où la France n’est pas en
reste.
On peut distinguer deux foyers de questions dont le premier
tourne autour de la décision d’extermination (qui a pris la décision ?
quand ? et quel en était le sens ?) et le second autour de la mise en
œuvre, en un mot le pourquoi et le comment. S’il fallait établir un ordre d’importance
entre les deux questions, il n’est pas sûr que la décision remporte la
prééminence, tant la part d’inimaginable que recèle l’exécution d’un tel
programme est considérable. Sur les deux points, en tout cas, l’historiographie
a fait des avancées décisives dans les vingt dernières années, et je m’efforcerai
d’en rendre compte successivement en montrant les déplacements de perspective.
J’ajouterai un troisième point : la question de la mémoire. Ou plutôt des
mémoires : la mémoire individuelle des survivants, dont les rangs s’éclaircissent,
les mémoires collectives des groupes de victimes, et par-dessus tout cela, les
multiples mobilisations de cette mémoire dans le présent.
Le problème de la décision d’extermination est l’un des tous
premiers auquel se sont attelés les historiens et
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