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Le commandant d'Auschwitz parle

Le commandant d'Auschwitz parle

Titel: Le commandant d'Auschwitz parle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rudolf Hoess
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une forme
ou une autre de conditionnement. Mais au-delà de cette controverse, la question
est posée de la définition de la « normalité ». Elle avait été posée,
dès les années 1960, par Hannah Arendt à propos d’Eichmann et largement
refusée ou incomprise à l’époque, du moins au-delà des cercles philosophiques
ou psychiatriques. D’une formulation en termes de banalité du mal , elle
était passée, avec ces derniers, à celle de sur-normalité ou de normalité
pathologique . Elle est maintenant devenue une question à part entière des
historiens et on ne peut que regretter d’autant plus que le public français ne
bénéficie pas des travaux de l’historien allemand Detlev Peukert sur la
continuité entre l’ordinaire et la barbarie, à propos de l’Allemagne nazie [152] . C’est là une
question capitale.
    Non moins capitale, mais encore plus délicate, est la
question des victimes. On sait que les SS n’ont pu mener à bien leur entreprise
concentrationnaire et génocidaire qu’en s’assurant la coopération des victimes,
ou du moins de certaines d’entre elles. Tant dans les camps de concentration,
avec une hiérarchie issue de la masse des détenus, que pour le processus d’extermination –
depuis les organes représentatifs des communautés juives (les conseils juifs)
jusqu’aux sonderkommando constitués de déportés juifs et chargés des
opérations de mise à mort. Rudolf Hoess, qui a trouvé dans leur existence
matière à se rassurer sur lui-même, les décrit dans les termes les plus
ignobles. Et il n’est guère moins critique sur les détenus ordinaires, dont il
laisse entendre que s’il ne s’en était tenu qu’à lui, ils eussent été bien
traités et bien « rééduqués », dans le sens national-socialiste du
terme, s’entend.
    Que savons-nous aujourd’hui de l’expérience des déportés et
de ceux qui ont été voués à l’extermination ? La première source de savoir
vient des survivants, et ce dès la libération jusqu’à aujourd’hui. Sur ce
chapitre, la France n’est pas en reste. Ces dernières années, les témoignages
de survivants se sont multipliés – les derniers en date, à l’orée de la
vieillesse, n’étant ni les moins fiables, ni les moins intéressants. Citons à
cet égard les trois éditions successives du récit de la déportation de Germaine
Tillion à Ravensbrück, qui mêle le souvenir du témoin au regard de l’anthropologue [153] .
    Parmi toutes ces publications, certaines nous intéressent
ici tout particulièrement, car elles concernent Auschwitz et Birkenau. Ce
dernier camp, créé sous le règne de Rudolf Hoess pour abriter le centre d’extermination,
fut également un camp de femmes, où arriva notamment le convoi du 24 janvier 1943,
composé de résistantes politiques françaises qui firent une entrée mémorable
dans le camp en chantant La Marseillaise , et au nombre desquelles il y
avait Danièle Casanova, Charlotte Delbo, Marie-Louise Vaillant-Couturier, Anise
Postel-Vinay, Adelaïde Hautval [154] .
À côté du témoignage des rescapés, il faut signaler l’important travail
sociologique de Michael Pollak sur le vécu et les conditions de la survie à
partir du recueil de témoignages de femmes (françaises et non françaises)
détenues à Auschwitz-Birkenau [155] .
    Le grand intérêt des travaux de Michael Pollak est de
remettre en question quelques stéréotypes concernant les facteurs de survie
dans la situation extrême de l’univers concentrationnaire et là encore, sinon
de relativiser, du moins de complexifier les images quelque peu héroïques qu’une
certaine littérature militante avait pu colporter. La survie ne dépend pas
seulement de la capacité à donner un sens à sa déportation, à partir d’une
identité de résistant, mais de multiples façons de conjuguer adaptation et
résistance – la « résilience » dirait-on aujourd’hui. Dans ce
registre, Michael Pollak met en évidence la diversité des ressources utilisées
par les femmes, qui résistèrent mieux que leurs homologues masculins, bien que
les conditions dans les camps de femmes aient été plus dures que dans les camps
masculins. Ces ressources vont de l’usage judicieux des connaissances en
matière de soins esthétiques à la capacité à nouer des relations affectives
solides, en passant par le jeu de la séduction, et jusqu’à la remémoration d’œuvres
culturelles.
    Ces comportements d’adaptation, ou,

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