Le commandant d'Auschwitz parle
permit d’écrire à sa famille et, sur sa demande, on
lui apporta des cigarettes.
Avisé par le commandant du camp, Eicke survint avant même
que le délai fût expiré.
Comme adjudant, j’étais le Führer de l’état-major du
commandant, et j’étais appelé en cette qualité (toujours par le même ordre
secret) à effectuer l’exécution. Nous avions ouvert l’ordre de mobilisation le
matin même et ni moi ni le commandant n’avions pensé que le même jour nous
serions chargés d’une exécution capitale.
Je convoquai rapidement deux Unterführer de l’état-major,
des hommes plutôt calmes et d’un certain âge. Je leur expliquai ce qui allait
se passer et ce qu’on allait exiger d’eux.
Sans perdre de temps on creusa le sable dans l’enclos du
cimetière et on y dressa un poteau. Les voitures arrivaient déjà avec le
condamné. Le commandant lui donna l’ordre de se mettre devant le poteau. Je l’y
conduisis. Très calmement il se plaça à l’endroit indiqué et se déclara prêt.
Je fis un pas en arrière et donnai l’ordre de tirer. L’homme s’effondra et je l’achevai
d’un coup de revolver. Le médecin constata qu’il avait reçu trois balles en
plein cœur. Eicke et quelques chefs des formations de réserve assistèrent à l’exécution.
Aucun de nous n’avait pensé en écoutant dans la matinée les
instructions d’Eicke que nous aurions à les appliquer aussi rapidement. Eicke
lui-même ne l’avait pas cru : il nous l’avoua après l’exécution.
J’avais été tellement absorbé par les préparatifs que je
repris une conscience claire seulement lorsque tout fut terminé. Tous les
Führer présents à l’exécution s’étaient rendus au mess mais chacun suivait le
cours de ses propres pensées ; impossible d’engager de vraies conversations.
Chacun se souvenait des instructions d’Eicke et commençait à comprendre les
horreurs que nous apporterait la guerre. À part moi, tous étaient des hommes
mûrs, officiers pendant la Première Guerre mondiale et qui portaient depuis
longtemps les insignes de Führer SS ; tous avaient joué un rôle actif dans
les coups de main contre les ennemis du parti lorsque ce dernier luttait encore
pour prendre le pouvoir. Mais tous étaient extrêmement impressionnés par le
spectacle auquel ils venaient d’assister et moi tout autant que les autres.
Les jours suivants, nous allions assister à bon nombre de
scènes du même genre. Presque quotidiennement je devais, à la tête de mon
commando, procéder à des exécutions.
Il s’agissait presque toujours de réfractaires au service
militaire ou de coupables de sabotages. Nous apprenions les motifs de leurs
condamnations par les fonctionnaires de la Gestapo qui les encadraient : l’ordre
d’exécution ne mentionnait pas ces motifs.
Un cas m’impressionna tout particulièrement. En pleine nuit,
on nous avait amené pour l’exécution immédiate un Führer SS, fonctionnaire de
la Gestapo, avec lequel j’avais été souvent en rapport, car il venait
fréquemment à notre Kommandantur pour nous remettre des prisonniers importants
ou des ordres secrets. La veille, j’avais encore bavardé avec lui au mess et
discuté des exécutions. Maintenant c’était son tour et c’était à moi de le
faire mettre à mort. Même aux yeux de notre commandant, cela passait la mesure.
Après l’exécution, nous nous sommes promenés longtemps en silence le long des
allées sans pouvoir retrouver le calme. Les fonctionnaires venus pour
accompagner le condamné nous avaient raconté son cas. Il avait reçu l’ordre d’arrêter
et d’emmener au camp de concentration un ancien militant communiste ; il
le connaissait depuis longtemps. Chargé de le surveiller, il l’avait toujours
trouvé parfaitement loyal. Par gentillesse, il lui avait permis d’aller encore
une fois chez lui pour changer de vêtements et pour prendre congé de sa femme.
Pendant que le fonctionnaire et son adjoint s’entretenaient avec celle-ci dans
la chambre, le communiste avait trouvé le moyen de s’enfuir par une autre
pièce. Lorsqu’on s’aperçut de l’évasion il était déjà trop tard. Le SS annonça
l’évasion à la Gestapo et fut aussitôt arrêté. Le Reichsführer SS donna ordre
de le traduire devant un conseil de guerre : une heure plus il était
condamné à mort, tandis que son adjoint s’en tirait avec une lourde peine d’emprisonnement.
Heydrich et Millier essayèrent d’intervenir en
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