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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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toutes portaient d'étranges brassards jaunes avec, brodés en rouge, une hache et un sabre croisés.
    Ils gagnèrent en courant une petite pièce où s'entassait tout un mélange d'armes des siècles passés.
    — Les hallebardes!... Et prenez chacun deux de mes pistolets : on ne tire que pour tuer.
    Encombrés de leurs hallebardes, ils passèrent devant Marie-Thérèse, une vieille servante un peu sourde, le regard qui se croisait souvent pour loucher et connue par ailleurs pour son esprit qui souventes fois battait la campagne.
    — Vous partez à la chasse, Monseigneur? Avec des hallebardes ? C'est donc là du gros gibier, ce semble. Du sanglier ?
    Elle hocha la tête à ses propres paroles et ajouta :
    — Je vais faire bouillir l'eau et préparer la sauce aux herbes.
    Le lieutenant-colonel Tancrède de Montigny, duc de Bamberg et chef des Opérations Spéciales qui éblouissaient tant Louis le Quatorzième, ignora la nervosité de ses amis et écouta la vieille femme avec patience.
    Si toujours, ainsi que tous les ducs de Bamberg et depuis des siècles, il faisait preuve de la plus grande courtoisie avec les femmes, qu'elles fussent princesses ou servantes, il en ajoutait encore avec Marie-Thérèse. Il ressentait pour elle la plus profonde tendresse, l'ayant pratiquement découverte en ouvrant les yeux, trente et un ans plus tôt.
    Il la voyait vieillir, devenir sourde et aveugle, l'esprit parfois égaré et loin de lui en vouloir ou de la chasser comme le faisaient tant d'autres seigneurs avec leurs vieux serviteurs, il en avait le coeur brisé et aimait davantage encore celle qui consola, aux temps jadis, le petit garçon qu'il fut et que la vie ne gâtait point.
    Patient, il répondit :
    — Marie, nous partons chasser le chevalier teutonique. Je sais que la chose paraît d'un fou mais il y en a pourtant devant la porte du château. Aussi, ne prépare rien : nous ne les voulons point manger, même avec une sauce aux herbes.
    Il lui sourit et l'embrassa sur le front tandis qu'amusée, elle secouait la tête avec indulgence :
    — Monseigneur est un enfant !
    Déjà, les trois officiers des dragons se ruaient vers l'entrée, leurs bottes résonnant sur le bois du pont-levis.
    Ils croisèrent un vieux chevalier templier, sans épée et mal en point, et lui indiquèrent l'entrée du château entourée de douves dont les eaux vertes clapotaient sous une pluie à présent très forte.
    Il demeurait six teutoniques, menaçants, et leur chef, ce géant perché sur un haut cheval. De sa main gantée de fer, il désigna Bamberg en disant :
    — Celui-là, je le veux vivant. Tuez les autres.
    Le duc regarda son cousin avec surprise, sachant que celui-ci, comme lui, entendait l'allemand.
    Hugo des Forts, comte de Worden, lui répondit avec un clin d'oeil :
    — Il semble que leur Grand Maître ne veuille pas de moi...
    — Sois sans inquiétudes, nous saurons bien imposer ta présence.
    La nuit tombait très vite. Sauf pour Bamberg qui reçut de la nature le don d'y voir comme en plein jour. Il jeta un de ses pistolets à Hugo, l'autre à Clément :
    — Six pistolets, six hommes à tuer : messieurs, ne me décevez pas.
    Voilà longtemps que le chef des Opérations Spéciales ne s'amusait plus de son regard perçant les ténèbres. Il ressentait parfois l'impression de se battre contre des aveugles, et cela ternissait ses succès en sa propre appréciation. Un pas à droite, deux à gauche, il évitait en se jouant les coups des teutoniques. Tenant sa hallebarde par le milieu, à deux mains, il n'hésitait pas à frapper avec le manche, déclenchant à chaque fois un terrible bruit de fer heurté.
    Bientôt, il fut devant le chef des teutoniques et lui lança, en allemand :
    — Eh bien, mauvais rêve sorti des enfers, tu me voulais voir?
    — Suis-moi et tu seras riche.
    — Hélas, je n'aime guère tes façons et n'ai pas de goût pour l'or.
    Et, connaissant bien l'art du duel au bâton, Bamberg donna au Grand Maître plusieurs coups du manche de sa hallebarde, dans le but de le faire chuter de cheval.
    En vain.
    Le duc de Bamberg en fut admiratif car peu d'hommes auraient résisté à pareil ébranlement.
    On ne voyait rien du visage du Grand Maître dissimulé par son heaume seulement percé d'une fente pour y voir. Au-dessus du casque, une couronne d'or et un aigle et par la fente, des yeux très bleus.
    — Alors tu mourras! jeta le teutonique en tournant bride tandis que ses éperons d'or s'enfonçaient dans les

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