Le Conseil des Troubles
effet, la première avait trouvé un terme tout à fait provisoire trois cent soixante-dix-huit ans auparavant. Quant à la seconde, qui constituait un des plus grands mystères de l'histoire de l'Humanité, elle trouvait son origine près de... dix mille ans plus tôt !
***
La nuit tombait en ce jour si riche en événements lorsque Charles, comte de Lagès-Montry, se leva en titubant légèrement.
Il appartenait à la Maison du Roi, groupe militaire qui relevait de l'élite et ne dépendait que du souverain. D'abord peu nombreuses, ces troupes ne cessaient de prendre de l'importance. Ainsi y trouvait-on deux compagnies de grenadiers, quatre compagnies de gardes du corps, deux compagnies de mousquetaires, des chevau-légers de la garde, toutes revêtues de l'uniforme bleu qui les distinguait des autres troupes de l'armée royale pour la plupart vêtues de gris et de blanc.
Le matin même, bien que les effectifs des troupes de la Maison du Roi ne correspondent pas à celui habituellement requis, le comte de Lagès-Montry avait été nommé maréchal de camp 1 , ce qui l'amenait au second rang dans la hiérarchie de cette troupe exceptionnelle.
Cependant, celui qui commandait en titre était si âgé qu'on le voyait fort peu. En outre, ayant en partie perdu la raison, il se prenait pour un lapin et, en son vaste domaine, se faisait poursuivre par ses chiens heureusement assez bien dressés pour ne jamais mordre ce vieux lièvre.
Entouré d'officiers supérieurs, le comte de Lagès-Montry, un mousquetaire, fêtait sa promotion depuis le matin, ayant déjà vomi plusieurs fois mais revenant toujours à la bouteille.
Une ombre obscurcissait sa joie. En effet son père, un très puissant financier, prêtait beaucoup d'argent au roi, oubliant avec élégance de se faire rembourser du monarque qui appréciait le geste à sa juste valeur.
Âgé de quarante ans, le comte et tout récent général décida de prouver au monde entier qu'il n'usurpait pas sa fonction. Restait, cependant, un problème de taille : trouver enfin un adversaire à sa mesure.
1 Équivalent de général de brigade.
6.
Le carrosse au conducteur mort allait au pas, semblant attendre la demi-douzaine d'hommes vêtus de cottes de mailles, casques, lourdes épées et portant la tunique blanche à croix rouge de l'ordre du Temple - disparu quatre siècles plus tôt - qui menaient un combat désespéré.
Ceux qui leur donnaient une chasse sans pitié différaient peu en leur tenue si ce n'est que sur leur tunique se voyait la croix noire, effrayante, des chevaliers Teutoniques. L'un d'eux, un géant en selle sur un grand cheval noir, portait sur son heaume la couronne d'or de Grand Maître de l'ordre.
Perché sur le toit avec ses amis, Hugo, le premier, retrouva sa voix :
— Nos sabres ne passeraient pas au travers de cottes de mailles d'acier si serrées et peut-être même s'y briseraient.
Clément approuva :
— Et nos balles risquent de ne pas les traverser davantage.
Tancrède balaya ces objections d'un geste :
— Messieurs, messieurs : une balle passe sous un casque, voire au travers des fentes ménagées dans les heaumes pour y laisser quelque vision.
Hugo, suspicieux, demanda :
— Tu comptes intervenir? Et pour quel parti? Et que font-ils là sous les remparts à se battre tels des comédiens de théâtre à ceci près que les coups qu'ils se donnent semblent des plus mortels ?
À cet instant, comme pour illustrer son propos, la tête d'un templier vola à plusieurs mètres sous le redoutable coup de hache d'un teutonique.
Tancrède, penché sur l'échafaudage, répondit calmement :
— Qui ils sont, ce qu'ils font, le sens de tout cela, nous le saurons en ménageant quelques survivants... Quant à intervenir : un de mes ancêtres fut chevalier du Temple en Terre sainte avant de déserter, certes, mais par amour. Moi, mon camp est choisi, d'autant que les templiers ont le dessous, que je n'aime pas les croix noires et que, comme vous le déplorez si souvent, j'ai de l'attrait pour les causes perdues.
D'un bond, il fut dans le grenier et dévala l'escalier en pierre du château, suivi de ses amis.
Dans la salle d'armes, basse de plafond et où une cheminée monumentale diffusait une bonne chaleur, les trois hommes menés par Tancrède délaissèrent leurs sabres posés sur une vaste table à côté de trois tuniques d'officiers : une de lieutenant-colonel et deux autres de simples lieutenants. Sur le haut du bras droit,
Weitere Kostenlose Bücher