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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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marmitons s'affairaient en plein vent tandis qu'on amenait des malles débordant de vêtements et d'objets luxueux. De fort jolies femmes circulaient parmi ces tentes...

    Bamberg, qui ne voyait pas le regard désolé que Marion portait sur lui, tant elle le comprenait, observait ce spectacle avec une sorte d'incrédulité puis, à mi-voix :
    — Ce n'est pas ainsi que cela se gagne, une guerre!... Ils sont ignorants de tout. Ils font tuer leurs soldats parce qu'ils ne savent pas même qu'il faut approcher l'ennemi sous le vent, à cause des chiens. On ampute des pieds parce qu'ils interdisent aux soldats ce que nous savons tous : pour faire sécher des bottes, il faut les emplir de cailloux chauffés en une casserole. On voit des soldats sans nez et sans oreilles parce qu'ils commandent l'immobilité absolue pendant les gardes alors qu'il faut masser ce qui menace de geler afin d'y rétablir le sang. Des officiers, cela?... Des nobles conduisant le peuple, eux? Ils ne servent plus à rien, ne protègent plus, ne défendent pas. Un jour, ils seront balayés en une journée et ce sera justice!
    Marion ne chercha pas à le réconforter en le détrompant, elle savait qu'il avait raison et ce qu'elle voyait la confortait en cette opinion.
    Elle lui prit la main et la serra très fort. Surpris et heureux, il l'embrassa sur le bout du nez ce qui fit sourire un vieux soldat assis sur un tambour : ah ! ces deux-là ne ressemblaient pas aux autres et pas seulement parce que ce jeune général de dragons portait les plus hautes décorations sur la poitrine, celles qu'on ne gagne que pour bravoure exceptionnelle.
    Le vieil homme vit la jeune femme embrasser la balafre du général : elle commença tout là-haut, près du sourcil, et déposa des petits baisers en suivant la marque du coup de sabre jusqu'au menton. Ému, l'homme à l'uniforme rouge et au chapeau noir la prit par la taille et la souleva à bout de bras. Ils riaient tous deux et le vieux soldat murmura :
    — Dieu les protège... et fasse crever le roi qui ne pense qu'à la guerre !
    Bientôt, ils prirent la route menant à leur petite maison au toit de chaume. Bamberg allait en selle sur Hautain et la baronne sur une jolie pouliche choisie par Clément qu'aucun cheval au monde ne pouvait abuser sur ses qualités et ses défauts.
    Avant de partir, Bamberg avait donné ses ordres au Turc pour le souper :
    — Kemal, je ne veux point m'amollir par mille douceurs. Madame vous donnera ses ordres mais pour moi ce sera de la viande froide, du brie, du pain de seigle et du vin de Bourgogne, une Côte de Nuits, par exemple.
    — C'est un repas de guerre? demanda Marion.
    — Oh non!... Ou alors seulement après avoir pillé les Anglais.
    Le soir tombait vite sur le camp et la petite route empruntée la veille en carrosse était toute défoncée par la succession de pluie, neige et gel.
    Sur les côtés, on avait poussé des voitures et chariots cassés, et même un canon, en l'attente qu'on vienne les tirer avec des attelages plus puissants ou réparer sur place.
    Le ciel s'assombrissait et depuis midi, la température ne cessait de descendre. Déjà, il devait geler et cette nuit d'hiver s'annonçait exceptionnellement froide.
    Les ombres noires des arbres se découpaient sur les dernières lueurs du jour.
    — N'as-tu jamais songé, dit-il, que ces arbres levant leurs branches au ciel ressemblent à un troupeau de damnés tentant de fuir les grandes marmites où le diable les veut ébouillanter?
    Elle sourit :
    — Non, mais à présent, j'y songerai toujours. Et toi, n'as-tu jamais rien vu en les fissures des murs ?
    — Je ne crois pas.
    — Lorsque j'étais petite fille, en face de mon lit, le mur était bien vieux et fissuré et j'y voyais un méchant bonhomme qui me regardait mais j'étais seule à le voir.
    — Si je le vois, ton méchant bonhomme, je lui passe mon sabre à travers la gorge! répondit-il, assez attendri à la représentation qu'il se faisait de Marion petite fille.
    Il était heureux, pleinement heureux.
    Et c'était bien la première fois de sa vie.

59.
    Le ciel palissait à l'orient.
    M. le baron Baptiste de Tuboeuf fut stupéfait en voyant le lieutenant de police et quatre soldats pénétrer dans sa chambre sans même frapper.
    Sans dire un mot, l'officier, une expression glacée sur le visage, lui tendit un document et Tuboeuf s'affola en reconnaissant une lettre de cachet.
    Encore incrédule, il en prit cependant avidement connaissance.
    De

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