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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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maîtresse, attendant simplement d'être choisi. Et si l'idylle s'était nouée, en ces occurrences, cela tenait à ce que le moment fût bien choisi, soit qu'il fût triste et se sentît très seul, soit au contraire que trouvant l'existence fort belle, il voulait partager le bonheur de vivre.
    La dernière, rencontrée le jour de la Saint-Louis, fête royale du 25 août, était une Allemande vivant en Flandres. Indirectement, elle avait profité des dures campagnes de 1690 et 1691. La victoire de Fleurus, où l'on ramena une forêt de drapeaux ennemis, fut suivie de coups de mains brutaux et rapides où l'escadron des Opérations Spéciales enleva trois généraux. Puis, l'année suivante, le siège et la prise de Mons, importante place située sur la frontière, précéda la meurtrière victoire de Leuze. Bataille éprouvante où il avait vu les soldats ennemis menés à l'assaut à coups de bâton par leurs officiers. Puis, se trouvant assiégé avec vingt de ses hommes, cette longue fuite, parfois à la nage, entre canaux et marais. Aussi, lorsque Elisabeth, belle Allemande de quarante et un ans, lui ouvrit les bras, il ne songea pas un instant à résister tant était grande sa fatigue et avancé son désespoir.
    La marquise d'Ey avait connu un tout autre parcours.
    Elle ne gardait guère un grand souvenir de sa première aventure, à seize ans, où la curiosité seule la mena et qui la laissa durablement déçue. Cependant, dix-huit mois plus tard, se rendant parfaitement compte de l'effet qu'elle faisait sur les hommes, et ne comptant point passer toute sa vie à Alençon auprès du mari triste et austère qu'on lui destinait, elle connut successivement deux aventures avec des nobliaux ayant réputation d'être des amants accomplis. Cela s'avéra demi-vrai pour l'un et tout à fait exact pour l'autre.
    Par calcul, elle prolongea assez longtemps ces relations, acquérant une grande expérience des secrets de l'amour puis, à presque vingt ans, pensant n'avoir plus rien à apprendre, elle décida froidement, lucidement et sans états d'âme, que son corps serait l'instrument de sa réussite.
    Les neuf hommes qui suivirent lui apportèrent la fortune et cette place à Versailles que tant d'autres lui enviaient. Le roi lui-même, qui avait beaucoup freiné ses appétits amoureux avec l'avancement de l'âge, tandis que Madame de Maintenon le poursuivait d'une vigilance de tous les instants et que la religion le serrait de près, le roi lui-même, donc, en aparté, lui avait fait compliment de sa bouche, la lèvre fine du dessus et celle au contraire épaisse du dessous. Puis, entre deux portes, il avait, dit-on, précisé sa pensée...
    Quoi qu'il en fût, c'est Louis le Quatorzième qui avait fait placer la marquise d'Ey aux côtés du duc de Bamberg, ce que la jeune femme prenait garde de ne pas oublier, comprenant ce qu'on attendait d'elle.
    Quoi que jeune, et très occupée de jeux où se mêlaient amours et profits, elle savait juger les hommes, parfois avec rudesse, souvent avec justesse.
    Le roi méprisait les courtisans, les abaissait à dessein et brisait la noblesse qui l'avait humilié lors de son enfance, aux sombres années de la Fronde. Mais les rares hommes qu'il avait aimés et admirés, il ne les trahissait point, ne manquant jamais une occasion de leur manifester sa sympathie. Beaucoup se souvenaient, par exemple, du comte de Nissac...
    Aussi le duc de Bamberg, l'ayant servi dans l'honneur et la fidélité, le faisait rêver par son audace et son imagination en l'art militaire. À quoi s'ajoutait son appartenance à une lignée qui toujours manifesta sa loyauté à la couronne en demeurant modestement à l'arrière-plan. Le duc de Bamberg, donc, qui l'ignorait sans doute, se trouvait dès cet instant fortune faite.
    La jeune femme trouvait le duc bel homme, ce qui n'était pas le cas de ceux qui prétendaient à sa main tel ce baron de Tuboeuf qui compensait cela par une fortune s'élevant à neuf millions de livres. Tout de même...
    La marquise d'Ey songea qu'au fond, elle pouvait se donner à deux hommes en même temps en attendant d'arrêter une décision.
    Elle battit des cils, ayant remarqué que le général de dragons n'y résistait point, puis, d'une voix plus douce et d'un air de chatte :
    — Versailles est très vaste et afin que vous ne vous perdiez pas, le roi m'a recommandé de vous mener à vos appartements.
    Elle se leva en souriant.
    Pâle, Bamberg se leva à son tour,

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