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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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d'affronter la vie quotidienne, les ambitions vénales des actrices, les cancans, les faux-semblants, le spectacle des courtisans se pressant dans les loges, certains en uniforme alors qu'ils n'avaient jamais affronté la guerre, compagne quotidienne de Tancrède? Pourquoi était-ce des hommes tels que lui, dont le monde avait besoin, qu'on envoyait vers ces boucheries ignobles ? Et pourquoi ne se révoltait-il pas, acceptant avec ses dragons de faire chacun le travail de cent autres qui se cachaient en les galeries de Versailles ?
    Arrivé en la petite maison d'Auteuil, sans un mot, comme si la chose allait de soi, il avait dessellé Pégase puis, dans la maison, allumé le feu avec une grande économie de moyens, disposant tout autrement qu'elle les fagots : un feu comme savent en faire les soldats, sans grandes flammes pour ne point se faire remarquer de l'ennemi, mais très chaud.
    Puis, trouvant sans un mot ce qu'un autre aurait sans doute cherché bien longtemps, il avait, toujours silencieux, fait chauffer un bol de lait, y plongeant une cuillère de miel de châtaignier d'Ardèche et, souriant :
    — Buvez, cela protège la gorge et les poumons de toute cette froide humidité.
    Elle s'assit, docile, et entoura de ses paumes le bol bien chaud en disant :
    — Et vous?
    Il eut un geste vague :
    — Depuis toutes ces interminables années à faire la guerre en Flandres, c'est à peine si je sens encore le désagrément de ces choses.
    Il était heureux de la regarder boire à petites gorgées ce qu'il avait préparé. Elle ressemblait ainsi, si sage et appliquée, à une fillette. Il en fut si ému qu'il parvenait difficilement à avaler sa salive.
    « Le bonheur est une chose simple », se répétait la jeune femme en regardant discrètement cet homme grand et svelte dans son uniforme rouge, bleu et doré, le sabre au côté.
    Mais ce n'est point le héros qu'elle voyait, le jeune général à la poitrine couverte des plus hautes décorations qu'il ne devait qu'à sa bravoure. Ce qui la rendait heureuse, tel un long et cotonneux engourdissement, c'était surtout la succession de gestes simples qui avaient été les siens, leur portée, mais aussi les gestes en eux-mêmes, la manière. Le bonheur dont elle avait tant rêvé était là, à portée de main...
    Il lui sourit :
    — Vous vous sentez bien?
    Ce sourire la bouscula intérieurement, comme un vent violent manque vous renverser. Elle tenta de conserver la tête froide, il fallait bien que les choses avancent. Aussi alla-t-elle assez loin :
    — Bien? Non, je suis heureuse, et c'est infiniment mieux.
    Le duc accusa le coup par une très légère raideur, car on ne se pouvait méprendre sur le sens de ces paroles.
    Il répondit presque malgré lui :
    — Je le suis pareillement.
    Puis, il se leva et coiffa son tricorne galonné d'or.
    Défaite, affolée, elle se leva à son tour, s'approcha de lui et déposa un bref baiser sur les lèvres de Bamberg. Il la serra alors dans ses bras avec une force qu'il ne songea point à mesurer mais qui chavira assez la jeune femme pour deviner d'intuition qu'on ne serre ainsi que celle qu'on aime d'amour.
    Puis il s'éloigna, le sabre cliquetant à sa ceinture et, arrivé à la porte :
    — Vous reverrai-je un jour?
    Elle l'appelait intérieurement, le suppliait de demeurer mais, attentive à l'homme aimé, devina qu'il voulait partir.
    Alors, d'une petite voix :
    — Cette maison est la vôtre...
    Puis il passa la porte. Bientôt, elle entendit le bruit décroissant des sabots d'Hautain tandis que Bamberg s'enfonçait dans l'inquiétant brouillard...
    ***
    Traversant les galeries silencieuses de Versailles pour gagner sa chambre, Scrub trottinant à ses côtés, le duc de Bamberg, qui rêvait d'une soirée pareille à celle-ci, buta brusquement sur un problème dont la mesquinerie l'anéantit : il se trouvait à court d'argent !
    Entre les veuves et les orphelins de ses soldats, puis cette soirée où il avait refusé d'être « invité » par la veuve Galland, il lui faudrait économiser sur tout, même le café et le tabac auxquels il tenait tant.
    Mais au lieu de se complaire dans l'injuste humiliation qu'il subissait, il préféra sourire en songeant qu'il était assurément le général le plus pauvre de toute l'armée du royaume des lys.
    Insouciant, il poussa la porte. Et demeura muet de stupeur devant le spectacle qui s'offrait à ses yeux.

34.
    Le jeune cavalier, fuyant sur son cheval gris assez loin au nord,

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