Le Conseil des Troubles
la marquise d'Ey qui s'était dressée au bruit de ses pas.
Tandis que Scrub se hissait au mitan du lit sans un regard pour la jeune femme, il n'en fut pas de même de son maître.
La splendide marquise était nue... Non, pas même, corrigea-t-il, car cela, il l'eût peut-être surmonté. Tout au contraire, révélant par des artifices comme elle connaissait bien les mécanismes du désir, elle portait des chaussures à talons hauts, des bas noirs tenus par des jarretières de satin blanc et un petit chapeau à aigrette coiffait sa blondeur. À quoi il fallait ajouter qu'elle se trouvait couverte de diamants étincelants, et par exemple une rivière autour du cou et de longs pendants d'oreilles. Il était impossible de ne la point désirer. Impossible, impossible, impossible !
Un instant, tentant de lui résister, Bamberg détacha son regard de Mme d'Ey, s'efforçant de le fixer sur un petit meuble en bois de rose orné de fleurs en bois de violette.
— Vous m'avez cruellement fait attendre! dit-elle en allant à travers la chambre si bien qu'après avoir eu sous les yeux son opulente poitrine, Bamberg ne perdit à présent rien du spectacle de ses fesses dodues.
Elle s'approcha de la cheminée de marbre, exhibant toujours avec une étonnante impudeur son corps à la peau blanche.
Bamberg fit deux - pauvres ! - tentatives de résistance pour éviter l'inéluctable. D'abord la marquise sembla se chauffer aux flammes, y compris son entrejambe. Il songea alors : « Voilà pourtant une partie de son corps qui n'a certainement pas besoin d'être chauffée, y parvenant très bien toute seule. »
C'était habilement et même très finement joué car le ridicule est une des rares armes existant contre la force du désir. Plein d'espoir, la voulant - un peu - moins sienne, il crut à cet instant qu'il allait prendre le dessus mais la très redoutable marquise, percevant un instant de flottement, conçut immédiatement une parade.
En effet, sans véritable raison, elle se déplaça dans la pièce, tanguant, oscillant sur ses hauts talons puis elle s'assit sur un fauteuil de soie sans omettre de croiser très haut les jambes. On le sait sans doute, ou on l'apprendra avec profit, il n'est pas une femme au monde que pareille position n'avantage.
La pauvre défense du duc fut ainsi balayée.
Un petit sourire se dessina sur les lèvres de la marquise laquelle, jouant de sa bouche en coeur, aimait se donner des allures de jeune fille boudeuse.
— Vous ne répondez pas ? demanda-t-elle.
— Que vous dire, madame ?
— N'êtes-vous point heureux de me voir en votre chambre, à votre merci ?
Le regard de Bamberg se réfugia vers la tapisserie des Flandres, des plus fines, qui ornait les murs, puis sur un petit bureau d'ébène.
Voyant le danger, la marquise se leva et, mains sur les hanches, feignit de découvrir la présence de Scrub au milieu du lit de velours incarnat à franges d'or et de soie. Une femme nue, mains sur les hanches, feignant l'étonnement, voilà encore une position féminine des plus troublantes mais, songea Bamberg d'un air morose, on irait sans doute plus vite à dénombrer les rares positions qui n'avantagent point les femmes !
Désignant Scrub d'un doigt dodu où se voyait une bague de diamant, la marquise demanda avec hypocrisie, le connaissant déjà :
— Qu'est cela ? J'entends : cette chose affreuse ?
Ce fut la seconde et ultime tentative de résistance de Bamberg :
— Scrub, mon chien.
— Mettez-le dehors !
— Il ne saurait en être question et s'il sort, je sors aussi.
Scrub, ayant entendu son nom, ouvrit un oeil et, découvrant le doigt hostile de la marquise pointé sur lui, il grogna, pour le principe.
La marquise en prit bonne note :
— Il me regarde avec méchanceté, on dirait qu'il me veut mordre.
« Il n'a que l'embarras du choix pour trouver une partie charnue », songea Bamberg qui répondit :
— Il ne le fera point, il ne mord que certaines parties masculines.
— Je n'aime pas les chiens.
— Je vois ! répondit sobrement le duc.
Sentant qu'elle perdait du terrain, la marquise s'approcha et se lova dans les bras de Bamberg. Dès lors... ce corps nu, chaud, généreux, offert...
Ce fut un fiévreux tourbillon de plaisir. Certes. Mais dénué de la moindre tendresse, voire même de l'amorce, d'un côté ou de l'autre, d'un petit geste amoureux.
Une fois les sens assouvis, il ne demeurait rien que deux corps allongés l'un près de l'autre et presque
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