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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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tentait de l'embrasser.
    *
    Il répondait aux questions précises de Marion — ah, l'adorable prénom ! — mais pensait à autre chose.
    Pourquoi tout, entre eux, était-il si doux ? Et pourquoi, malgré une apparence réservée, soupçonnait-il la jeune femme de pouvoir s'abandonner à une violente passion? D'où lui venait cette intuition? Mais cependant, s'il rêvait d'embrasser ses lèvres, ses paupières et sa nuque, c'était avec la plus grande tendresse.
    Pourtant, en raison de l'existence de la marquise d'Ey et de ce qui avait fugitivement existé entre eux, cette sorte de folie des sens, il ne se pensait pas le droit d'aimer ou d'être aimé d'un être si tendre, si fragile et si pur que Marion de Neuville.
    Si son caractère n'avait eu pour marque une inflexible volonté qui lui interdisait de se laisser aller, il en aurait pleuré. Quoi, trente et un ans d'une vie sans amour et sans ce bonheur que les femmes seules peuvent donner et voilà qu'en même temps, il rencontrait la marquise d'Ey et la baronne de Neuville, deux joyaux d'une tiare qui n'était peut-être qu'une couronne d'épines.
    Il fallait de l'ordre à tout cela. Bien. Mais comment se livrer à ces difficiles réflexions tout en expliquant à la baronne comment survit un dragon à l'arrière des lignes ennemies ?
    Il tenta de morceler tous ces problèmes en songeant d'abord qu'avec la marquise d'Ey, seuls ses sens se trouvaient affolés. Tandis qu'avec Marion, si la passion, il le devinait, avait sa place, mille autres choses douces et précieuses entraient en ligne de compte. Il fallait s'en tenir une fois pour toutes à cette... cette... « ligne de défense » !
    Avec sa logique militaire, Bamberg estima qu'il était en effet des plus dangereux de se battre sur deux fronts. Jugé par ses pairs comme un excellent tacticien, il estimait qu'il devait faire la paix à l'est avant de s'avancer à l'ouest soit en réalité, hors ce langage codé, qu'il devait rompre avec la marquise d'Ey avant de s'engager avec Marion.
    Par respect pour les deux femmes. Et pour ne point contrevenir à ce que l'on est en droit d'attendre d'un gentilhomme.
    Il s'étonna qu'elle marquât tant d'intérêt pour les dragons alors qu'en réalité, elle s'intéressait à tout ce qui le concernait.
    Elle demanda :
    — Ainsi, vous videz vos carabines et s'il est des survivants, l'affaire se règle au sabre ?
    — C'est bien cela.
    — On dit que les charges de cavalerie sont d'une grande beauté...
    Il réfléchit un instant, embarrassé, puis il décida qu'elle était assez intelligente pour entendre la vérité :
    — La charge en elle-même, peut-être est-ce beau avec tous ces hommes, sabre au clair, couchés sur l'encolure de leurs chevaux, mais le choc et le combat qui suit, c'est une défaite de la beauté et bien plus grave, de tout noble sentiment.

    Ces paroles la touchèrent car une fois encore, il ne se vantait point. Il ne parait pas la laideur des oripeaux de la beauté afin de se donner un rôle avantageux. Il la considérait comme assez proche de lui, et d'un esprit assez lucide, pour dire les vérités qu'on ne révèle point. Enfin, il semblait brusquement triste bien qu'il tentât de ne point le montrer.
    Elle insista :
    — Pourquoi dites-vous cela?
    — Les combats de cavalerie, lorsqu'on se trouve au corps à corps à l'arme blanche, sont atroces, hideux, sales et sanguinaires. Il n'est aucune règle, si ce n'est de tuer et pour y parvenir, tous les moyens sont bons. On attrape l'adversaire par les cheveux, par l'habit, afin de tenter de le faire tomber et au moment où il chute, on lui porte au sabre un coup mortel avant de le faire piétiner par son cheval dressé à cela. La chevalerie d'autrefois n'existe plus...
    Il se souvint d'un combat où, tombé de cheval en raison du souffle d'un boulet, il s'était réfugié en un trou qu'il partageait avec le cadavre d'un hussard autrichien. C'était en juin, lors de la Fête-Dieu, et le soleil donnait très fort. Le cadavre se trouvait bouche grande ouverte, des colonnes de fourmis y entraient en procession, ressortant parfois par les narines, chargées de butin. Bamberg s'était dégagé à la nuit et, trois jours plus tard, à l'occasion d'une avancée de l'armée royale, ils avaient récupéré le cadavre d'un des leurs, un major. On l'avait mis en boîte pour l'enterrer mais il faisait si chaud que tandis qu'à quatre officiers ils portaient le cercueil sur les épaules, le cadavre déjà

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